En 1859, les habitants de Jijel furent dépossédés de leurs biens et expulsés de leur ville située sur une presque île, en application du décret impérial du 16 juin 1858 et de l'arrêté du ministre de la Guerre daté d'octobre 1859. Les Djidjelliens devinrent alors, à tout jamais, orphelins de leur Casbah ancestrale. Mettant à mort un patrimoine urbain vieux de plus de 30 siècles, le génie militaire colonial démolit ensuite la citadelle pour "cause d'utilité publique" afin d'y installer un quartier militaire. Cette double opération d'expropriation et de destruction opérée par l'armée coloniale "en toute légalité" est venue parachever la destruction partielle de la vieille ville de Djidjelli par le raz-de-marée du 22 août 1856. Si l'on se réfère aux documents d'époque, les opérations d'expulsion furent menées avec brutalité. En effet, le décret impérial du 11 juin 1858 ordonne une "expropriation d'urgence pour cause d'utilité publique". Cette "expropriation d'urgence" commanditée par Napoléon III deviendra une "prise de possession d'urgence des immeubles" édictée par l'arrêté du ministre de la Guerre daté du 14 octobre 1859, qui déclare "d'utilité publique l'établissement d'un quartier militaire dans la presqu'île ou vieille ville de Djidjelli". L'occupant français a ainsi causé un énorme tort au patrimoine matériel, immatériel et archéologique de la ville. En effet, la citadelle musulmane que l'on voit sur les quelques cartes et gravures d'époque (essentiellement du dix-septième siècle) était elle-même bâtie sur d'anciennes fortifications romaines et byzantines. "La petite cité qui fit trembler, des siècles durant, les marines chrétiennes", semble avoir ainsi payé pour son passé glorieux. "Elle disparut à jamais avec ses tours de guet, ses maisons, son mur d'enceinte et ses mosquées", écrit un vieil historien autodidacte de Jijel, Salah Bouseloua, dans son "Génie de la mer". Lorsque les Djidjelliens se souviennent de la cité martyre, ils se remémorent les récits transmis par leurs aïeux ou font une recherche dans les archives de la région qui existent dans le fichier français des Territoires d'Outre-Mer d'Aix en Provence. Privées de leurs biens, les familles djidjelliennes furent contraintes de se replier vers l'arrière-pays et ne bénéficièrent de lots urbains de compensation qu'une décennie plus tard. Ses habitants essayèrent de faire revivre leur cher "Jijel El-Atik", également appelé "El Caserna", la cité de Sidi Ahmed Amokrane (saint patron de la ville), en construisant de nouvelles maisons de type traditionnel avec cour intérieure et terrasse. Ils ont également repris les dénominations anciennes en usage dans les vieilles villes d'Algérie, tels que "El-djbel" (quartier situé en hauteur) pour le quartier des Andalous et des Raïs (souvent d'origine étrangère) et El-Merdja (la prairie) pour les quartiers habités par les citadins de souche autochtone plus ancienne.