Le juge d'instruction parisien Patrick Ramaël, qui enquête sur les circonstances du décès du grand reporter et ancien rédacteur en chef de l'agence Gamma, Didier Contant, a ordonné le 5 février le renvoi de Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à Canal +, devant le tribunal correctionnel de Paris pour « violences volontaires préméditées ». C'est ce que vient d'annoncer dans un communiqué, rendu public le 11 février, Rina Sherman, la compagne de Didier Contant et auteur du livre Le Huitième mort de Tibhirine (éditions Tatamis, 2007). Rappel des faits. Le journaliste Didier Contant enquêtait sur la mort des sept moines trappistes du monastère de Tibhirine. Une partie de ses investigations paraît dans le Figaro Magazine. En parallèle, le journaliste de Canal+ et grand reporter au magazine d'investigation 90 minutes Jean-Baptiste Rivoire mène une enquête sur la même affaire. Se fondant sur les « révélations » d'un militaire dissident, Abdelkader Tigha, Rivoire, que l'on se plaît à présenter comme un chantre du « qui tue qui ? », avance la thèse selon laquelle les sept moines trappistes, qui ont été enlevés, rappelle-t-on, le 27 mars 1996 et retrouvés morts le 21 mai 1996, ont été assassinés par le DRS avec la complicité des Services français. « Faux ! », dit Contant, dont les investigations accablaient sans ambages le GIA. « Mais à Paris, des confrères affirment auprès des rédactions parisiennes que Didier Contant travaillait pour les services français et algériens dans le cadre de son enquête sur les moines, déconseillant toute publication de son investigation. Ces lobbies, composés de journalistes, d'éditeurs, d'avocats et d'organisations des droits de l'homme, brandissent le témoignage d'un sous-officier transfuge de l'armée algérienne, tendant à prouver l'implication de l'armée dans le rapt des moines », peut-on lire en quatrième de couverture du livre de Rina Sherman. L'un des principaux animateurs de cette campagne « n'est autre que J. B. Rivoire », accuse-t-elle. « Dans l'intention d'empêcher toute nouvelle publication de son confrère, Jean-Baptiste Rivoire a contacté les rédactions parisiennes en se réclamant de sources dignes de foi, pour accuser, ni plus ni moins, Didier Contant d'être un agent des services secrets algériens et français », indique-t-elle dans le communiqué du 11 février (voir l'intégralité du communiqué sur le site : http://quiatuedidiercontant.blogspot.com). « Didier Contant vivait cette campagne calomnieuse comme une catastrophe professionnelle ; dépossédé de son honneur, de sa dignité et de la capacité de gagner sa vie, il ne put l'accepter », lit-on dans Le Huitième moine de Tibhirine. Aucune suite ne sera ainsi donnée à son enquête. Le 15 février 2004, Didier Contant fait une chute mortelle d'un immeuble parisien. « On a dit que c'était un accident. On : pronom personnel indéfini, désigne ici d'une manière vague les autorités algériennes, mais également françaises », écrit Antoine Sfeir dans la préface du livre, avant d'ajouter : « Sa compagne, non convaincue, a voulu enquêter. Elle l'a fait d'une manière farouche et déterminée. Je ne sais pas si Didier Contant a été tué ou est mort accidentellement ou tout simplement a été victime de circonstances non élucidées. En revanche, la mort d'un confrère quelle qu'elle soit mérite qu'on y porte un intérêt. Cet intérêt n'a pas été porté dans le cas de Didier Contant, mais à la lecture de l'enquête de sa compagne, on ne peut qu'avoir des doutes sur cette mort fortuite qui arrangeait tout le monde en définitive. » Tel est donc le background de cette affaire. Jean-Baptiste Rivoire a été mis en examen dans un premier temps. Aujourd'hui, le voici déféré au tribunal correctionnel de Paris. « L'information judiciaire a aujourd'hui totalement confirmé les faits dénoncés à l'encontre de Jean-Baptiste Rivoire », souligne le communiqué de Rina Sherman, qui conclut : « Avec ce renvoi devant la juridiction correctionnelle, on va pouvoir désormais parler de l'affaire Rivoire. »