Je viens d'écouter le ministre égyptien de l‘Information, Anas Ahmed Nabil El Fakki, sur plusieurs chaînes publiques de télévision qualifier l'Algérie de « peuple de barbares qui manifeste ses valeurs par des actes de violence », puis de traiter nos supporters de repris de justice et d'appeler enfin à prendre des mesures appropriées contre notre pays. Je l'ai encore entendu répéter les mêmes insanités en sonnant le rappel d'une procession d'officiels, de journalistes, de réalisateurs, comédiens et autres chanteurs. Comment peut-on concevoir un instant qu'un imbécile, fut-il membre du gouvernement d'un pays ami, emprunte son vocabulaire à l'anthropologie coloniale pour qualifier notre valeureux peuple ? Il se prévaut, dit-il, des instructions de son chef d'Etat qui avait pourtant donné, le 13 novembre, des garanties d'Etat qu'il n'a pas respectées et que son homologue algérien n'aurait – par expérience – jamais dû accepter. Comment a-t-on pu se contenter de telles assurances et laisser notre équipe nationale évoluer dans de telles conditions ? Pourquoi la forte mobilisation sociale et celle des médias non-gouvernementaux contraste-t-elle avec celle des officiels, des institutions et des forces politiques ? Le gouvernement d'Egypte est confronté à des questions délicates de succession à la tête de l'Etat, à l'impasse du processus de paix au Moyen-Orient, à la perte du leadership arabe en termes d'influence audiovisuelle avec l'émergence des offres des pays du Golfe (Al Jazeera, Art, Rotana…) et, comme tout le monde, à la crise économique. Il n'a pas trouvé mieux que sa mauvaise foi et notre naïveté pour mobiliser son peuple et ses appareils de propagande autour des enjeux internes et régionaux bien réels en s'offrant un ennemi virtuel et de circonstance, l'Algérie. Il est parfois des effets inattendus dans l'histoire des nations. Cette fois-ci, les Algériens se sont réapproprié le drapeau, symbole de la souveraineté, jusque-là monopole des édifices publics et des cérémonies officielles. Ils ont réoccupé la rue interdite et l'ont restituée à sa vocation d'espace d'expression sociale. Ils ne relâcheront plus ni l'emblème ni l'espace et c'est là peut-être le message le plus fort de ces manifestations car loin d'être spontanées, elles sont l'aboutissement d'un laborieux processus sociopolitique porté par un désir profond de liberté et une quête permanente de justice.