Nous nous sommes connus dans l'ex-SNED. Rachid Mimouni venait de faire sortir son deuxième roman Une paix à vivre des imprimeries de cette dernière. Mais nous ne sommes devenus amis intimes qu'en 1988. En effet, le 15 octobre 1988, j'ai appelé R. Mimouni, T. Djaout, M. Baghtache, A. Boubakir pour créer l'union des écrivains libres. L'idée a beaucoup plu à Rachid. Le 16 octobre, nous nous sommes réunis pour la première fois. Généreux, Rachid s'est porté volontaire pour être notre rapporteur. Nous avons voulu que notre réunion reste confidentielle. Les temps étaient difficiles. L'état d'urgence a été déjà proclamé par l'ex-président Chadli. Mais malgré que la réunion se tenait, en secret, dans mon bureau au Centre culturel de la wilaya d'Alger (dont j'étais le directeur), quelqu'un avait prévenu la presse étrangère. Nous avons levé notre réunion dans un climat de tensions et de litiges. L'échec était total. Le projet de l'union des écrivains libres avorté, j'ai proposé à R. Mimouni, T. Djaout, A. Boubakir, M. Baghtache, M. Faci et B. Brahimi de créer une revue littéraire. J'avais déjà son nom Erriwaya. Ma mère avait vendu un lopin de terre et m'avait donné un peu d'argent. C'était la plus belle revanche contre le sort ; contre l'avortement programmé du projet de l'union des écrivains libres. Le premier numéro d'Erriwaya (belle revue littéraire qui a été primée à Rome et au Caire) est sorti le 2 janvier 1990. C'était la première publication de la presse libre et indépendante dans l'Algérie démocratique. Jusqu'à présent, j'en veux toujours à Brahim Brahimi qui a écrit un livre sur la naissance de la presse indépendante en Algérie et a oublié de citer Erriwaya, alors qu'il était membre de son comité de rédaction. Malgré notre bonne volonté, nous n'avons pas pu faire sortir le deuxième numéro de notre revue. Le chef du gouvernement ayant refusé, à l'époque, de nous donner de l'argent parce que nous n'étions pas des journalistes. Mais mon amitié pour Rachid Mimouni s'est renforcée. Maintes fois, je lui ai rendu visite à son domicile de Boumerdès et il m'a rendu, plusieurs fois, visite à mon domicile d'Alger. Nous avons ri, bu, mangé et ... pleuré ensemble (surtout quand Tahar Djaout a été assassiné). Avant de partir au Maroc, je lui ai téléphoné. Il était abattu, désespéré. Il m'a dit : « Djilali, l'Algérie nous tourne le dos. Il n'y a plus de place pour nous ici. Mais je sais que tu aimes l'Algérie, comme je l'aime, j'ai décidé de partir pour le Maroc, pour Tanger, précisément, parce que dans cette dernière ville, je peux sentir les mêmes odeurs qu'ici, voir des bâtisses qui ressemblent aux nôtres, et surtout, surtout, rencontrer des gens qui ont les mêmes traditions que le peuple algérien. Je suis un écrivain du terroir, et je veux le rester jusqu'à la fin de mes jours. » Et Rachid Mimouni est resté fidèle à lui-même, à notre amitié (maintes fois nous nous sommes téléphoné, malgré la cherté des lignes internationales) et à l'Algérie jusqu'à sa mort !