A l'initiative d'un député, les artistes protestataires ont accepté de s'asseoir autour de la table avec les responsables. Les deux parties se sont entendues pour renouveler la rencontre chaque six mois. Les sit-in d'un groupe d'artistes organisés tous les mardis sur la place jouxtant le théâtre régional de Batna (TRB) depuis plus d'un mois, ont-ils fini par persuader les autorités de la nécessité du dialogue, ou bien s'agit-il d'une simple astuce dans un souci d'apaisement ? A l'initiative de Mohamed Bouras, député d'obédience RND, les artistes de Batna étaient conviés samedi passé à la maison de la culture Mohamed-Laïd Al Khalifa afin de discuter de la situation de la culture au niveau de la wilaya. Le chef de daïra, le président de l'APC, le directeur de la culture et le directeur du TRB, étaient également présents à cette réunion pour écouter les doléances des artistes marginalisés. On remarquera, cependant, l'absence du directeur de l'école des beaux-arts, mis en cause par les protestataires. Des artistes peintres, des musiciens, des comédiens et des danseurs ont répondu à l'appel avec toutefois quelques appréhensions quant au sérieux de cette initiative. «Nous ne perdrons rien à y aller», nous dira le décorateur Saïd Aberkane. Khaled Bouali, dramaturge, poète et écrivain, n'a pas pris des gants pour dire sa pensée: «Une culture gérée par la médiocrité ne peut générer que de la médiocrité.» Et d'ajouter: «Nous voulons savoir à quoi ont été dépensés les budgets alloués à la culture durant ces dix dernières années. Nous ne comprenons pas les raisons du maintien des directeurs à la tête du théâtre, de la maison de la culture et de l'école des beaux-arts pendant 10 ans et plus, voire 20 ans.» Pour sa part, Rachid Moufouk, un sculpteur qui mérite plus que des hommages occasionnels, se contentera de rapporter une anecdote qui doit inspirer nos responsables en matière de prise en charge des artistes. «Je travaillais comme soudeur en charpente métallique dans une société américaine, raconte-t-il, la voix chargée d'émotions. Un jour, j'ai pris l'initiative d'exposer mes œuvres sur le chantier, et ne voilà-t-il pas que le directeur de l'entreprise décide de me dispenser du travail; il m'invite à ne m'occuper que de sculpture, tout en continuant à me rémunérer». Un chanteur de RAP intervient lui aussi à la manière rythmée et cadencée des rappeurs. Il parle des jeunes de 18-20 ans qui mériteraient d'être pris en charge, disant: «Donnez-leur un lieu pour des répétitions et offrez-leur des espaces pour des concerts. Ce sont les artistes de la modernité et c'est eux que les jeunes apprécient et préfèrent écouter.» Chawki Bouzid, réalisateur de théâtre, s'étonne pour sa part: «Comment se fait-il que des jeunes arrivent à communiquer avec d'autres jeunes d'Amérique et d'Asie et se font écouter alors qu'ils sont ignorés par des responsables vivant dans le même espace?» Tous les présents, faut-il le signaler, étaient unanimes pour dire que l'organisation du festival international de Timgad doit revenir à ses fondateurs de Batna. Les responsables qui ont par la suite pris la parole, ont, tour à tour, avancé des promesses du genre: «Dorénavant les portes sont ouvertes et nous serons à l'écoute.» Pour la petite histoire, Youcef et Nouh, deux lycéens également présents à cette rencontre, ont pu récupérer les papiers sur lesquels le député Mohamed Bouras avait inscrit les doléances. Nos deux prétendants au Bac, s'interrogeant sur la sincérité de cette personne qui, à la fin, avait oublié ses notes, ne manqueront pas de faire la remarque suivante: «Cette réunion nous rappelle une leçon d'histoire sur la France coloniale qui avait initié des projets de construction de bâtiments pour loger les indigènes afin d'absorber leur colère, et qu'ils avaient baptisé plan de Constantine.»