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In Salah de A à Z
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Publié dans El Watan le 06 - 03 - 2015

Des émotions, cette semaine à In Salah, il y en a eu beaucoup. Après les affrontements du week-end dernier, la situation est progressivement revenue au calme. Mais pour combien de temps ?
- Ahnet : La gigantesque flamme qui sort du puits se voit à des centaines de mètres. C'est sur le site de Bor Mohamed, près d'Ahnet, à 47 kilomètres au sud d'In Salah, que se trouve le premier puits allumé. Deux autres plateformes ont été préparées pour des forages. Plusieurs chalets ont été montés pour servir de base de vie aux employés des sociétés, dont Sonatrach et Halliburton. On y trouve aussi d'énormes machines avec des tuyaux, et des véhicules garés devant l'entrée principale.
Le chantier, clôturé par des dunes, semble à l'arrêt, mais il est impossible d'y entrer. Les gendarmes réclament « une autorisation de la wilaya de Tamanrasset et de la direction générale de Sonatrach». Après avoir reçu l'information que Sonatrach comptait tracer une autre route pour permettre aux camions chargés d'acheminer les produits chimiques, la coordination contre le gaz de schiste y a envoyé, mercredi, deux de ses délégués, revenus bredouilles.
- Balles réelles : Les habitants d'In Salah rendent chaque jour visite aux blessés des affrontements qui ont éclaté samedi et dimanche. Deux jeunes ont été opérés ici. Les radios, qu'a pu récupérer El Watan Week-end, ont clairement montré qu'ils ont reçu des balles, l'un à la jambe, le deuxième à l'épaule. Des sources médicales et sécuritaires ont aussi confirmé «que les agents des forces antiémeute ont utilisé des balles réelles». Un troisième manifestant, dans un état plus grave, a été transféré vers l'hôpital d'El Menia (Ghardaïa) pour une intervention chirurgicale. Les chirurgiens ont réussi à lui extraire la balle qui l'a atteint. Les membres de la coordination se sont rendus à l'hôpital pour calmer les esprits.
- Colère : Abdelkader Tellalat, 62 ans, retraité, en tremble encore. «Je me suis rendu ce matin à Ahnet avec trois personnes pour livrer un petit-déjeuner aux manifestants qui y ont passé la nuit près du puits, dont mon fils. J'ai garé ma voiture devant l'une des deux tentes séparées par la route. Vers 11h30, 18 véhicules 4x4 devancés par deux camions chasse-neige sont arrivés. Ils sont descendus et nous ont agressés. J'ai essayé de leurs parler, mais ils se sont acharnés contre mois en me traitant de ‘'sale Africain'', de ‘'Nouagra''. ‘'D'où viens-tu ?'' m'ont-il demandé.
Du Mali, du Niger ? Vous n'êtes pas Algériens''.» Et de continuer en pleurant : «Ils nous ont ensuite menottés, agenouillés et tabassés. Un gendarme a écrasé la tête d'un manifestant sur le sable et il lui a ordonner de dire : ‘'Oui au gaz de schiste'' sous peine de l'étouffer. Et puis ils nous ont pris nos téléphones portables, clés USB, nos vivres dans les tentes. Ils ont enlevé et plié le drapeau avant de mettre le feu aux deux tentes et de casser le pare-brise de ma voiture. Ce qui m'a marqué, c'était le regard de mon fils qui observait le gendarme m'insulter sans pouvoir rien faire. Franchement, ils nous ont déclaré la guerre.»
- Général-major : L'homme de la semaine, c'est le général-major et chef de la 6e Région militaire, Amar Athamnia, qui a invité, mardi, les membres de la coordination antigaz de schiste à une réunion en présence de plusieurs autres représentants de l'armée, dont le chef du secteur militaire d'In Salah. Après la réunion, deux membres de la coordination sont montés sur la scène, place Somoud, pour donner le compte rendu de la réunion. «Il a été question de dépassement commis par les éléments de la Gendarmerie nationale et des pertes matérielles lors des affrontements.
Pour les gendarmes qui ont attaqué nos camarades de lutte, une enquête sera ouverte très prochainement et les responsables seront punis. Pour les pertes matérielles, chaque personne ayant une voiture saccagée ou ayant subi une autre perte doit le signaler. D'après lui, tout le monde sera indemnisé. Il nous a demandé de fournir immédiatement le nombre de tentes brûlées par les forces antiémeute. Les soins des blessés qui sont à l'hôpital vont aussi être pris en charge», énumère Mohamed Azzaoui, membre de la coordination.
- Nuit : Cette semaine encore, dès la nuit tombée, les manifestants se sont réunis, place Somoud, autour des feux pour affronter le froid. Pour tuer le temps, ils jouent aux dominos à la lumière de leurs téléphones portables coincés dans leur chèche. «La police a éteint tous les projecteurs qui éclairent la place pour nous inciter à partir», témoigne l'un d'eux. D'autres jeunes se retrouvent autour de théières en cuivre pour se montrer les vidéos filmées dans la journée et raconter comment chacun d'entre eux a vécu les deux jours d'émeutes.
Mehdi, 30 ans, jeune chômeur, a les larmes aux yeux à cause de l'oignon qu'il épluche. «D'habitude, nous ne faisons rien en dehors des réunions, mais comme les femmes ne restent plus ici la nuit à cause de la tente détruite, nous sommes obligés de faire à manger. Avant, elles restaient ici jusqu'à minuit ou 1h. Dans quelques jours, nous allons ré-installer leur tente et elles vont revenir inch'Allah.»
- Quartier : A première vue, In Salah ressemble à une ville abandonnée. Les voyageurs qui comptaient y faire escale avant de repartir vers Tamanrasset se sont retrouvés bloqués et «obligés de faire du stop», faute de bus qui n'ont pas repris le service après les affrontements. Quelques mètres plus loin, sur le chemin menant au seul hôtel de la ville, des jeunes chargent dans la benne d'un camion des carrelages abandonnés sur le trottoir par les entreprises qui n'ont pas achevé les travaux.
«Ils vont être cassés en petits bouts et servir de projectiles en cas de reprise des affrontements», préviennent-ils. A l'hôtel, pas de connexion internet, «coupée par les autorités lors des derniers affrontements», souffle un employé. «Les affrontements ont été très violents, deux camions antiémeute ont été brulés par les manifestants», raconte Tamer, un militant.
Dans la rue, à côté de l'hôtel, on aperçoit les camions des forces antiémeute. La rue est jonchée de restes de pneus brûlés, de projectiles, de bombes lacrymogènes lancées par les forces antiémeute déployées sur les lieux, ainsi que des poteaux et des troncs d'arbres arrachés pour couper la route devant les véhicules des forces de sécurité. Les fenêtres et les portes du commissariat ont été enfoncées. Les véhicules zigzaguent dans les rues pour éviter les obstacles mis en place par les manifestants.
- Rachid Nekkaz : Rachid Nekkaz a été accueilli, mercredi à In Salah, comme une véritable star, au son des klaxons et à la lumière des feux de détresse de son cortège. Plus de 200 voitures, des camionnettes sur lesquelles étaient accrochés des dizaines de jeunes scandant «Samidoune, Samidoune, el ghaz sakhri rafidoune», des véhicules 4x4 et des motos zigzaguant dans le sable sont venus l'escorter à une vingtaine de kilomètres de la ville.
De passage devant le commissariat de police où étaient stationnés plusieurs camions des forces antiémeute, les protestataires n'ont pas raté l'occasion pour ralentir et crier : «Yala laar, yala laar, darbouna bersas essah» (quelle honte, ils ont tiré sur nous à balles réelles). Plusieurs centaines de personnes, des dizaines de femmes, des enfants scandaient leurs slogans habituels contre le gaz de schiste. Le drapeau algérien à la main, Rachid Nekkaz est monté sur scène. «Bonsoir In Salah, je suis content d'être parmi vous ! Je ne suis pas venu faire de la politique, je suis ici comme un citoyen algérien qui s'oppose à l'exploitation du gaz de schiste.
Rendez-vous demain matin», a-t-il déclaré sous les applaudissements. Il a ensuite tenu une réunion avec des membres de la coordination. Le lendemain, les services de sécurité l'ont expulsé de la ville et il n'a finalement pas tenu son meeting. Contacté par El Watan Week-end, M. Nekkaz commente : «Je suis rentré à In Salah escorté par la population et pour en sortir, je suis escorté par la police. Ils ne s'attendaient pas à ce que je mobilise autant de monde. C'est injuste !»
- Somoud : La désormais célèbre place Somoud, au centre-ville, est entourée du siège de l'APC, de la daïra, du centre culturel, d'une agence d'Algérie Télécom et de commerces, tous fermés. En ce lieu devenu symbole de la protestation, il ne reste plus rien sauf la scène construite de madriers, les structures métalliques des tentes noircies par les flammes et le drapeau algérien qui flotte, accroché très haut sur une barre métallique. «Avant, sur chaque tente, il y avait au moins deux drapeaux, mais après les attaques des forces antiémeute, ils ont tous été brulés», raconte Mehdi. Les murs qui entourent la place Somoud tagués de slogans relatifs au rejet du gaz de schiste.
- Tamanrasset : Solidaire avec In Salah, Tam a connu, cette semaine, plusieurs manifestations pour réclamer l'arrêt de l'exploration du gaz de schiste. «Nous avons marché de la place du 1er Novembre au siège de la wilaya en signe de soutien à In Salah et nous continuerons ainsi jusqu'à obtenir gain de cause» affirme Mohamed, un ancien commerçant de l'Assihar. Hier, une nouvelle manifestation antigaz de schiste a été organisée, coïncidant avec la visite de travail et d'inspection du ministre du Commerce, Amara Benyounès.
Les manifestants ne décolèrent pas. «Je n'arrive pas à croire que les autorités, qui sont là pour protéger et servir les citoyens, puissent tirer sur des habitants dont le seul but est de suspendre l'exploitation d'un gaz dangereux à la fois pour l'homme et la nature. Si les pays occidentaux refusent de le faire, ce n'est qu'une preuve de plus qu'il est réellement néfaste», ajoute Mohamed.


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