A la cadence où vont les démolitions, il ne restera de l'ancienne ville de Batna que quelques vestiges sauvegardés en photographies numériques ou mis sur la toile du web par des nostalgiques, sans plus. Jusque-là épargnés, des quartiers embryons de la ville de Batna, sont menacés par la démolition, garagisme et « bazaromania » obligent. Au quartier Stand, les belles villas datant de l'époque coloniale tombent les unes après les autres, pour céder la place, à de vulgaire cubes avec garages, qu'on appelle toujours… « villas ». La frénésie n'a pas de frontière, puisqu'au niveau de l'avenue de la République, une belle bâtisse remontant aux années 1900, a été mise à terre en quelques jours. Le même sort a été réservé à une autre splendide demeure. Aux Allées Benboulaïd, une page de l'histoire de la ville est partie en gravats. De somptueuses constructions ont été soufflées en une nuit, à l'exemple de l'église, au début des années 1970 ; il en a été de même pour la belle devise en bas-relief sur le mur de l'école Jules ferry, actuellement école de la Poste, disant ceci : « L'avenir des nations est dans les écoles des peuples », qui a été arrachée à coups de burin. L'hécatombe touche même le camp, l'un des premiers quartiers de la ville qui ne portait pas encore le nom de Batna, mais Lambèse. A la cité Zmala, c'est la toute petite maison, où avait séjourné Isabelle Eberhardt, qui risque l'effondrement dans l'indifférence. La pierre inaugurale de la ville de Batna, qui porte la date de réalisation 1847, vient de perdre un autre bout de son socle. Peut-on arrêter le massacre ? Selon un responsable de la mairie de Batna, qui préfère garder l'anonymat, on ne peut rien faire. Dans le cas des propriétés privées, on est libre de faire ce qu'on veut de son bien du moment qu'on l'a acquis. Cependant, les anciens propriétaires ne démolissent pas. N. Fouad, jeune architecte, nous explique que depuis l'indépendance, il n y a eu aucune action de sensibilisation sur la protection du vieux bâti, de certains biens de l'Etat, acquis ou non par des particuliers, qui constituent la mémoire collective. A titre d'exemple, chez nos voisins Tunisiens et Marocains, on ne construit pas sans respecter les normes et le modèle architectural, alors démolir, on n'y pense même pas. Pressés par la consommation et la réussite sociale ostentatoire, beaucoup relèguent le devoir de mémoire aux calendes grecques. Alors démolir le patrimoine architectural, couper le cèdre, arracher le corail… Quel gâchis !