Cette édition a vu la participation de Waciny Laredj, Saïd Boutadjine, Mohamed Lakhdar Maouguel et de Ahmed Zitouni. Le thème des interventions programmées pour la matinée portait sur « L'apport de la littérature d'expression française au rayonnement de la culture algérienne ». Dans son exposé, Waciny Laredj a tenu à préciser qu'il vouait une grande estime à Rachid Mimouni de son vivant et qu'il ne rate aucune occasion de s'incliner à sa mémoire. « L'année dernière, j'ai appris par les comptes rendus de la presse que je devais participer à ce colloque alors que personne ne m'a invité. Pour Rachid Mimouni, je viendrai quel que soit la situation », a-t-il dit d'emblée. Laredj a dit regretter d'avoir à faire remarquer que l'auteur du Fleuve détourné n'a pas eu toute la place et l'estime qui lui revenaient de son vivant. « Lui qui a pourtant beaucoup donné à la culture algérienne », dira-t-il. Revenant sur la relation entre la littérature algérienne d'expression arabe et celle d'expression française, Waciny Laredj soulignera qu'elle est effectivement conflictuelle parce que la première se positionne en tant que réaction à la littérature francophone. « Cela a pour origine la colonisation puisque dans d'autres pays, comme l'Egypte par exemple, il n'y a absolument aucun problème entre ces deux littératures », dit-il. Waciny Laredj trouve que sur le plan strictement littéraire « il n'y a pas de conflit entre les deux productions », mais « le politique a dynamité les relations », insiste-t-il. Pour étayer ses propos, il soulignera l'influence qu'ont exercée les auteurs algériens francophones sur de nombreux arabophones, notamment à partir des années 1950. Il donne à titre d'exemple Tahar Ouettar, Abdelhamid Ben Hadouga et Merzac Bagtache qui sont, dit-il , influencés par la trilogie de Dib. En évoquant Le fleuve détourné de Rachid Mimouni, Waciny Laredj a insisté sur le fait que le texte s'appuie sur un effet de mémoire et de déception. Mais aussi sur les aspirations trahies suite à une situation difficile. L'orateur s'attardera sur cette question pour dire qu'il existe toujours de l'intertextualité entre les œuvres et ne manquera pas de dire, à propos d'une polémique qu'a soulevée Tahar Ouettar au sujet de l'histoire du Fleuve détourné, accusant Mimouni de l'avoir plagié en puisant la trame dans son œuvre Les Martyrs reviennent cette semaine, que cette histoire est identique à celle du Colonel Chabert de Balzac. « Peut-on pour autant dire que Ouettar a plagié Balzac ? Je réponds non, vu que c'est d'abord quelqu'un qui ne lit pas beaucoup et puis à cause de cette inévitable intertextualité », a-t-il enchaîné. M.L. Maouguel est revenu sur l'accueil réservé par la presse française, notamment celle de droite citant Le Point, au roman Le fleuve détourné pour arriver à la conclusion que « le livre de Mimouni a été un grand événement qui avait enrichi le débat littéraire et politique en France alors qu'il était complètement obnubilé, occulté en Algérie ». Maouguel a soulevé le problème du traitement de la question éditoriale de l'époque en Algérie qui a laissé le champ libre à la droite française revancharde pour pouvoir faire une lecture négative de ce roman en croyant y trouver un motif pour comparer l'Algérie à un goulag. Mais il s‘est trouvé en France des critiques qui verront l'œuvre autrement. Un texte paru dans Le Monde nous propose une 2e lecture allant dans deux directions propres à la noble littérature en prenant comme référants Kafka et Camus. Maouguel ne manquera pas de souligner ici que le personnage de Mimouni qui était un « étranger » parce que rejeté par le système colonisateur le demeurera dans un système bureaucratique post-indépendance. « Mimouni écrit pour convoquer le devoir de mémoire. Pour responsabiliser les intellectuels qu'il invite à respecter leur devoir de mémoire, y compris au prix de la vie », dit-il. Quant à la lecture de Djaout, publiée en octobre 1982 dans Algérie Actualité, elle révèle que celui-ci avait pris conscience des objectifs de la droite française et qu'il avait à l'époque attiré l'attention sur les dangers que représentait la censure : « La publication à l'étranger d'un roman qui est problématique par rapport à la mémoire algérienne pose le problème de la culture industrialo-éditorialiste et celui de la censure », a dit le conférencier citant Djaout. Dans l'après-midi, il était attendu d'autres conférences ainsi que la présentation de la pièce de théâtre Le fleuve détourné, adaptée par Omar Fetmouche qui était parmi l'assistance.