Le dernier livre de Aziz Chouaki, Arobase, est une chevauchée urbaine débridée. Tous ses personnages courent vers une fin attendue, connue depuis des siècles, sous l'œil vigilant de William. Oui, Shakespeare veille toujours. Ce n'est un secret pour personne : Aziz Chouaki est le meilleur écrivain algérien de ces dernières années. Son écriture, nerveuse, souvent à la limite de la rupture, n'a rien à envier à la tchatche algéroise. Son français est foisonnant, ironique, complice. Il a la richesse mordante de l'Algérois de Belcourt. Aziz Chouaki dompte la langue française en lui donnant tout l'humour du sud de la Méditerranée. On est loin de l'académisme qui plombe la littérature nord-africaine. Arobase (éditions Balland) est une chevauchée urbaine. L'auteur plonge dans son milieu de prédilection : le théâtre. Son personnage principal, Arobase, de l'arabe arbâ (le quart), 1100 à sa naissance, décide d'adopter Othello de Shakespeare, version rollers et rockn' roll. Sous l'œil vigilant de William. Aziz Chouaki lâche dans Paris réinventé une dizaine de personnages hagards, blessés, joyeux, perdus. Fragiles et tenaces. Exils intérieurs. Sexe, drogue et théâtre. Paris, donc. Paris refuge, Paris enfer. Et aussi Paris passions. Car le livre de Chouaki ne parle que de ça : sexe, drogue et théâtre. Comme dans Othello de Shakespeare, moins la drogue, ou alors autrement. De la vie et de la mort. De la passion qui redonne vie, et qui mène à la mort. Aimer à mourir. Aimer pour ne pas mourir. Avec beaucoup d'originalité, l'auteur de l'exubérant L'Etoile d'Alger fait croiser des destins et crée un monde agité, à la Hanif Kureishi. Multitude de solitudes. Arobase est un livre fluide, nerveux, saccadé. Il se lit vite, très vite. En prenant énormément de plaisir. Bonne nouvelle : Aziz Chouaki s'est (presque) détaché de l'Algérie, même si son personnage Farid nous rappelle l'émouvant sosie de Tak. Même parcours : musique, came, religion. Ne boudez pas le plaisir de lire un roman chatoyant, où l'humour se mêle au drame, où l'ironie se cache derrière l'indifférence. Et aussi pour le bonheur de découvrir une verve algéroise, à Paris.