L'écrivain a présenté son dernier roman L'Archéologie du chaos (Amoureux) devant un public nombreux. Un cinglant attentat littéraire a été perpétré cette semaine, sans que les bras séculiers des gardiens du discours dominant aient pu déjouer la frappe. L'auteur de ce forfait, Mustapha Benfodil, poète, dramaturge expérimental, écrivain et reporter à El Watan, a profité de la complicité des éditions Barzakh, groupuscule récidiviste puisque Benfodil a déjà publié sous le même label son premier roman Zarta ! (2000) et le déroutant et « monstrueux », selon l'éditrice Selma Hellal, Les Bavardages du seul (2003). L'archéologie du chaos (amoureux), le dernier roman de Mustapha Benfodil a été auditionné avant-hier au Centre culturel français à Alger, lors d'une rencontre post-ftour animée par le critique Rachid Mokhtari et la poétesse Nadia Sebkhi. Selon les aveux même de l'auteur, son roman — articulé en trois récits et chutant sur un subversif « manifeste du chkoupisme »— est un « attentat sémantique qui casse le récit dominant ». Selon les premiers éléments de l'instruction, Benfodil a également bénéficié d'un vaste réseau de complicité littéraire dans son entreprise d'« anartiste ». Le renvoi d'accusation évoque quelques noms et groupes subversifs : Kant, le dadaïsme, Charles Buchowski, Ibn Arabi, Lautréamont, Cioran, Boudjedra, Kubrick, The beat génération de Kerouac à Burroughs, Kateb Yacine, René Char, etc. Benfodil joue sur une foisonnante intertextualité puisant jusqu'aux Ecritures puisque, selon sa déposition, « la littérature est quelque chose de total ». Alors, c'est « l'archéologie des textes : chercher dans le sens primitif des mots le sens primitif du monde ». Là, est une partie de l'archéologie. L'autre est dans la « fouille du corps », les personnages étant les champs de ces fouilles. Se fouiller soi-même. « La littérature est pour moi une tentative d'immersion dans mon subconscient », avoue Benfodil lors de l'interrogatoire. Fouiller dans le chaos. Le chaos urbain, affectif, social et du langage. L'éclatement de ce dernier étant « le stade suprême de la littérature ». Le roman se déploie en trois récits. Dans le premier, le personnage de Yacine Nabolci se confronte à l'origine du monde : enfant bouleversé par la vue d'un sexe féminin et jeune homme cherchant à résoudre l'énigme de l'univers et à renverser le régime par une sorte de révolution sexuelle. Suit un autre récit, un autre niveau de fiction, une sorte de making-of du premier récit, puis un autre qui revient sur le tout en forme d'enquête policière. Mais une enquête dont les indices sont des manuscrits et des mots laissés par des personnages du roman. Ces confusions des genres et des textes, ces troublants niveaux de récits servent à questionner la littérature sur le statut même de la fiction. L'objet du délit lui-même —254 pages excellemment manufacturées par l'imprimerie de référence Mauguin — confirme les intentions subversives du prévenu Mustapha Benfodil. On y croise au détour des pages, des graffitis, des desseins, et même une page noire avec au milieu « une pensée noire ». Un projet plastique autour de l'œuvre serait en marche. Il s'agit de créer un livre-objet à partir d'un matériau intime : les manuscrits successifs du livre en chantier.