A Lourmarin, la 24e édition des Rencontres méditerranéennes Albert Camus, organisée par l'association du même nom, portait sur : « Albert Camus, dissidences et liberté ». Les interventions de Camusiens venus d'Allemagne (ex-RDA), de Lettonie, de Hongrie, de Russie (ex-URSS) et de Roumanie ont révélé, aux côtés de leurs homologues français, un homme en avance sur son temps, dénonçant avec une vigueur redoublée au fil des ans, l'horreur et l'impasse du totalitarisme soviétique. De 1953 jusqu'à sa mort, Camus, homme « révolté », a dénoncé l'oppression sous toutes ses formes, parlant en 1956 des « martyrs » du « génocide » du peuple hongrois lors du soulèvement avorté. Tendant la main aux exilés, il fut l'ami de beaucoup d'entre eux, dont Boris Pasternak. Il le soutint jusqu'au bout dans l'exigence de la publication en France du Dr Jivago, ce qui fut fait en 1958, puis en fut proche dans son exil. Dans ces pays sous chape de plomb, Camus fut dès lors étudié, souvent en clandestinité, comme un auteur qui donnait du sens à la révolte et à la soif de liberté. Le romancier essayiste lui donnait corps et âme. En retour de cet espoir, Camus considérait que la lutte des dissidents, l'« empêchait de désespérer » du monde, que la justice et la liberté brimée ne sauraient être autre chose qu'une parenthèse. « Il faut dénoncer la torture aussi méprisable à Alger qu'à Budapest », disait-il. Et, à Saint-Etienne, devant un parterre ouvrier en 1953 : « Non, on ne construit par la liberté sur les camps de concentrations, ni sur les peuples asservis de colonies ni sur la misère humaine ». Ces propos qui semblent aujourd'hui naturels l'étaient moins à l'époque, mais Camus disait que c'était de « ces choses élémentaires ». L'histoire lui donnera raison.