Regard - Mollement, un samedi matin est le court-métrage, projeté, hier, à la filmathèque Mohamed-Zinet (Riad-el-feth), et ce, dans le cadre du ciné-club de l'association Chrysalide. Ce film de 26 minutes, signé Sofia Djama, raconte l'histoire d'une jeune femme, Mayassa, victime d'un viol. Lors du débat qui a suivi la projection, la réalisatrice a confié que le film n'est pas sur le viol ni même sur la condition ou situation de la femme dans une société bloquée, insatisfaite… «Ce n'est pas un film sur le viol ni un film féministe», précise Sofia Djama, et d'expliquer : «Le viol se révèle juste un prétexte pour dénoncer le malaise et la détresse de notre société.» L'originalité de ce viol, c'est que Mayassa se fait violer par un homme qui semble être presque impuissant. D'où d'ailleurs la première partie du titre du film «Mollement…» L'autre originalité du film, c'est la manière dont les personnages sont présentés : ils sont insolites, quelque peu absurdes, parfois ridicules. Ils sont simplement banals. Il y a aussi la situation dans laquelle ces derniers sont montrés, racontés. Elle est excentrique, par moment comique. La réalisatrice s'attarde sur ce besoin de visualiser la vie quotidienne : bus surchargés, ascenseur d'immeuble en panne, plombier arnaqueur, vulgarité dans la rue, chauffeur de taxi filou... Cette vie de tous les jours résume la réalité de la société algérienne, à savoir le malaise social, la frustration, la complexité ou les contradictions des rapports. Une société plombée par des agressions matérielles et mentales permanentes. «L'impuissance sexuelle du violeur symbolise l'impuissance sociale dans laquelle baignent les gens contre leur gré, ainsi que l'impuissance de dénoncer leur mal être», fait-elle savoir. En effet, le blocage – sexuellement parlant – de l'agresseur signifie le blocage de la société algérienne. «Je m'emploie à travers ce film à parler des peines et de l'étouffement de sa population. Rien ne fonctionne comme il faut dans cette ville si on avait à examiner en profondeur le quotidien des gens.» «Tous les personnages du film, victimes ou bourreaux, sont pris en otage d'une pression sociale, victime de ce mal en devenir», reprend-elle. Ainsi, Mollement, un samedi matin est un film, selon la réalisatrice, «sur la mollesse et la résignation, la quête de rupture». C'est un film coup-de-poing sur les blocages, les déboires et le malaise de la société algérienne. Il raconte d'une manière originale, certes, mais qui reste abrupte, brute mêlant parfois un langage cru, un style tantôt rêche et des attitudes choquantes. Le propos est donc particulièrement culotté, visiblement audacieux, c'est un scénario risqué et fort de caractère. Le but est d'interpeller les gens, de bousculer les consciences, les éveiller sur des situations qui, à première vue, nous paraissent ordinaires, comiques, donc amusantes et fascinantes, mais qui, au fond, s'avèrent pathétiques, troublantes, révoltantes. Sofia Djama est aussi réalisatrice d'un premier court métrage de cinq minutes intitulé Les cent pas de Monsieur X. Ce film qui raconte la quête d'un jeune Algérien pour retrouver les preuves de son existence, symbolisée par les traces de ses pas qui n'apparaissent ni sur le sable ni sur du ciment frais, alors que celui de son ami suédois Jorg sont visibles, a été projeté en début de soirée. L'histoire se déroule sur une plage avec tout juste les deux personnages. Elle illustre la subjugation de la jeunesse algérienne par l'Occident et sa tendance à imiter le mode de vie des autres en oubliant de suivre ses propres pas.