Pour ceux qui ne le savent pas, la capitale des Bibans, Bordj Bou-Arréridj, doit son nom au château d'El-Mokrani ou Bordj El-Mokrani, comme le désignent les autochtones. Le monument est l'un des rares sites historiques de la région. Un site qui dépérit, hélas, chaque jour un peu plus devant la passivité et le laisser-aller des autorités compétentes. Il y a quelques semaines, la tour, qui dominait le fort et toute la ville de Bordj Bou-Arréridj, s'est effondrée après avoir résisté des siècles durant aux assauts de la nature et des hommes. Edifié sur un rocher de quinze mètres de haut, le château surplombe toute la région, offrant une vue magnifique sur tous les villages environnants. A travers les âges, il a servi de poste de surveillance pour défendre les portes de la ville et, surtout, l'unique source d'eau appelée à l'époque Aïn Bordj ou Aïn Siraje. Cette source n'existe cependant plus depuis les années 1960, à l'époque où le site était entouré de jardins et de champs de cultures maraîchères. Même s'il est baptisé au nom du héros de la résistance de 1871, le château n'a pas été édifié par El-Hadj El-Mokrani. Il est signalé dans plusieurs livres consacrés à Bordj Bou-Arréridj. Francine Dessaigne, une historienne française, relève qu'en octobre 1839, «le duc d'Orléans, avec l'armée du général Valée, décide de bivouaquer au lieudit Aïn Bou Arroudj, protégé par un fort». Pendant la présence ottomane, le château assurait la sécurité des caravanes commerciales sujettes à de nombreuses attaques. Utilisé par l'armée française comme caserne militaire durant plus d'un siècle, il a été cédé par l'ANP en 1967 à la commune de Bordj Bou-Arréridj. Depuis 1993, il est mis à la disposition de l'Agence nationale d'archéologie qui devait le transformer en musée à la mémoire de l'une des plus belles épopées de la résistance du peuple algérien et en bibliothèque pour toute la wilaya. En attendant, il constitue un repaire idéal pour les cigognes, les pigeons et autres volatiles.