Les autorités françaises espèrent que le séjour à Alger de François Fillon boostera la coopération militaire entre les deux pays. Les échanges militaires restent limités et contrastent avec la densité des relations économiques, la France étant toujours le premier fournisseur de l'Algérie. Annoncé le 28 mai 2008 par le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci, un accord d'entraide en matière de défense sera signé à l'occasion de cette visite. Cet accord avait été ébauché lors de la visite du président Nicolas Sarkozy à Alger, en décembre 2007. Il prévoit notamment la formation et l'échange de personnels. L'arrangement, c'est le souhait de Paris, devrait ouvrir la voie à des contrats d'armement. Politiques et fabricants d'armes français comptent donc convaincre les Algériens d'acheter des frégates multi-missions et des hélicoptères. D'où la présence dans la délégation française des patrons du groupe de constructions navales militaires DCNS et du consortium européen EADS. Sans être anecdotique, la coopération militaire algéro-française est, d'une manière générale, bien modeste. Longtemps, les deux armées se sont regardées en chiens de faïence, se contentant du minimum d'échanges. Le dialogue militaire entre les deux pays sera symboliquement lancé ou relancé, c'est selon, avec la visite à Alger, en juin 2003, du chef d'état-major des armées françaises d'alors, le général d'armée Henri Bentegeat. Cette visite, la première d'un chef d'état-major de l'armée de l'ancienne puissance coloniale, sera le début de la décrispation des relations militaires entre l'ancienne colonie et l'ex-colonisateur. Depuis, les deux armées se parlent dans le cadre du groupe 5+5 et manœuvrent conjointement. C'est que ces rapports ont longtemps pâti du poids de l'histoire. Représentant de la génération de l'après-guerre d'Algérie, le général Bentegeat avait pris la suite de chefs d'état-major français qui ont crapahuté dans les djebels. Les généraux Maurice Schmitt, Jeannou Lacaze, Jean Saulnier, Guy Mery et Claude Vandermeersch ont commandé des corps d'élite en Algérie alors que le général Charles Ailleret était déjà, en 1961, commandant suprême des forces armées coloniales. Si elle n'a pas fricoté avec l'OAS, cette fine fleur de l'armée française avait fini par ériger une sorte de mur psychologique fait de suspicion et de méfiance. L'absence de confiance avait établi un plafond de verre que la coopération militaire ne pouvait dépasser. Il y a bien eu l'envoi de militaires français du contingent en Algérie au titre de la coopération technique ou culturelle. Mais, pour noter les premiers achats algériens d'équipements militaires français, il a fallu attendre 1969. Cette année, l'aviation algérienne en construction perçoit 28 Fouga Magister reconditionnés par le français Sogerma, 5 autres viendront plus tard compléter la flotte. Il s'agit d'un avion d'appui tactique pouvant effectuer des missions de liaison et d'entraînement. Il y a eu aussi des rendez-vous manqués durant les années 80 du siècle dernier. A la même époque, l'état-major français s'était escrimé, en vain, à vendre à l'Algérie un système de défense aérienne intégré de Thomson CSF. Pour des questions de souveraineté nationale et de sauvegarde d'équilibres internes au régime, ce contrat, estimé à un peu moins de 2 milliards FF, ne sera pas signé malgré le lobbying actif du constructeur français. Parallèlement, l'ANP avait montré un intérêt pour l'industrie militaire brésilienne, notamment pour les matériels du constructeur aéronautique Embraer. Elle avait songé à acquérir aussi des EE9 Cascavel, des chars 6x6 légers et rapides. A l'époque, les Algériens auraient même soupçonné les industriels français d'avoir œuvré à en empêcher l'achat. Si ces épisodes ne participaient pas au renforcement de la confiance mutuelle, d'autres raisons stratégiques et géopolitiques expliquent l'absence de tradition de coopération militaire. Le système de défense algérien, c'est un postulat de base, est fondé depuis l'indépendance sur la technologie militaire issue de l'ex-URSS (Russie et anciens pays soviétiques). Par un effet de contre-balancement, l'industrie d'armement française, elle, est liée depuis longtemps aux FAR marocaines dont le système d'armement est construit sur le transfert de technologies française et américaine. Le refus des gouvernements successifs français de vendre à l'Algérie de l'armement et notamment des équipements de lutte antiterroriste durant les années 90 (visée nocturne…), avait éloigné encore toute perspective de coopération. La vente aux forces aériennes algériennes sous le gouvernement Balladur d'hélicoptères légers AS350B et AS355 Ecureuil a à peine atténué la déception et les critiques algériennes au sujet d'un embargo militaire qui ne disait pas son nom. Aujourd'hui, le gouvernement français voudrait bien transformer le désir des Algériens d'acquérir des frégates Aquitaines FREMM en accord d'achat ferme. Le souhait français est donc de vendre aux forces navales algériennes 4 frégates multi-missions FREMM pour 500 millions d'euros l'unité. Il s'agirait de 2 Frégates ASM (anti-sous-marine) et de 2 frégates AVT (action vers la terre). Il serait question aussi de 2 exemplaires du bâtiment de projection et de commandement de type Mistral à grande capacité d'emport en hommes et matériels et doté d'une plate-forme pour hélicoptères. Selon des sites d'armement spécialisés, Italiens et Français pourraient se retrouver en concurrence en Algérie et en Grèce. Une course serait déjà engagée entre le français DCNS et les italiens Fincantieri et Finmeccanica. Ces deux constructeurs italiens proposeraient une FREMM qui serait dotée d'un système de combat américain Lockheed Martin et des missiles SM MR en lieu et place du SEIC de DCNS et des Aster de MBDA. N. K.