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«Il est temps de rassembler notre mémoire africaine pour ne plus refaire les mêmes erreurs» Nariman Zehor Sadouni, responsable du stand Esprit Panaf au 17e Sila :
La Tribune : Quelle est la particularité de l'espace Esprit Panaf de l'édition 2012 du Sila? Nariman Zehor Sadouni : L'esprit Panaf est avant tout un espace pour la littérature africaine. La particularité de cette année et qu'il coïncide avec la célébration du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, juste après le cinquantenaire des indépendances des autres pays africains, dénotant une certaine maturité de l'ensemble du continent. C'est pour cela que la particularité de cette année c'est la participation de maisons d'éditions et d'auteurs africains qui font partie du continent et qui vivent sur le sol africain. Depuis l'année passé nous leurs avons accordé une grande importance, car l'intérêt est de partager avec eux leurs expériences par rapport aux contraintes mais également par rapport aux choses positives. L'autre particularité c'est de parler de la communication autour de cette littérature, à travers un constat de la critique littéraire dans la presse écrite et les médias. C'est dans cet esprit qu'un grand intérêt à été accordé à l'édition en Afrique. Car, en plus de la problématique des droits d'auteurs afin de rendre le prix du livre plus accessible aux lecteurs africains, il y a aussi la problématique de la censure éditoriale, sans oublier que beaucoup d'auteurs africains sont lésés dans leur droits d'auteurs dans beaucoup de maisons d'éditons européennes et américaines. Il est important aussi d'attirer l'attention sur le fait que les auteurs africains anticolonialistes sont censurés d'où l'importance de permettre à ce que les auteurs africains puissent être édités en Afrique, notamment a travers la coédition. L'esprit Panaf, à travers le Sila, permet ce genre de rencontres entre les éditeurs africains afin que les projets de coédition entre les différentes maisons d'édition puissent naître.
Et concernant les animations culturelles ? Tous les après-midis, nous organisons deux à trois rencontres par jour avec des éditeurs, journalistes et critiques littéraires, venus de nombreux pays africains tels que le Burkina-Faso, le Sénégal, le Cameroun et le Mali. Nous avons aussi organisé des sorties culturelles avec les différents invités venus de l'intérieur du continent, pour visiter entre autres le Bastion 23, le Mama (musée d'arts modernes) et Sidi Fredj, en tant que lieu symbolique du colonialisme. Fructifier les relations humaines est très important car c'est la véritable richesse de ce genre de rencontres. Je pense qu'il est temps que l'on renoue les liens avec les autres membres de notre belle Afrique afin de construire des choses ensemble. Il est temps d'écrire ensemble notre propre mémoire en tant qu'Africains. Il faut surtout sortir du carcan de la mémoire partagée avec l'ancien colonisateur. Car chacun à sa propre mémoire. Je suis désolée de dire cela, mais je considère que de 1830 à 1962, notre mémoire était celle d'un complément d'objet directe : Le colon c'était le sujet et le verbe c'était le combat et la guerre, donc je ne peux pas avoir la même mémoire moi en tant que complément d'objet direct avec un sujet qui est venu me faire la guerre. En tant qu'Africaine je ne peux pas avoir la même mémoire que ceux qui se sont partagés le continent tel un gâteau, lors de la conférence de Berlin de 1878. Il est important de rassembler notre mémoire en tant qu'Africains pour contribuer à l'écriture de l'histoire de l'Humanité afin de ne plus refaire les mêmes erreurs.
Justement, quel serait le rôle de la littérature au moment où le continent africain vit des moments troubles à l'instar de ce qui se passe au Mali ? Au Mali il existe un Manifeste pour le patrimoine malien, lancé, notamment, par Lassana Igo Diarra, fondateur et directeur des Editions Balani's. Il a aussi collaboré à lancer la campagne Sauvons les Manuscrits de Tombouctou. Il est aussi commissaire des expositions L'esprit de la paix et Presse Crise, en rapport avec l'actualité de son pays. Dans le cadre du Sila il a justement animé une conférence sur Le manuscrit et l'illustration, dans l'édition africaine. Je peux aussi citer l'exemple d'Ismaelia Samba Traoré qui a abordé au niveau du stand Les productions artistiques et culturelles, qui fait aussi partie du comité de rédaction de ce Manifeste. De tout temps, la culture en général et la littérature en particulier ont été un catalyseur pour la politique. Les arts ont fonctionné soit pour soutenir une tendance politique soit pour s'opposer à elle. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'à chaque fois qu'il y a des choses importantes qui se déroulent sur le continent africain, il y a autre chose qui est déclenché par les médias, manipulés pour faire diversion. Maintenant, on sait qui est le commanditaire de ces troubles dans ce monde et qu'en fait ce sont des erreurs du passé que l'on est en train de répéter et, encore une fois, c'est les auteurs et les artistes qui réagissent, interpellent les consciences et font bouger la machine politique.