Il est quatre heures du matin, lorsque la sonnerie stridente du r�veil nous fait sursauter, mettant ainsi fin � quelques heures de sommeil, sommeil d�ailleurs perturb� par les pr�paratifs de la veille car ce n�est pas un voyage comme les autres, c�est une v�ritable exp�dition. Juste le temps de nous d�barbouiller et d�enfiler la tenue ad�quate et le klaxon du v�hicule nous interpelle. Nous devons y aller. Bagages � la main, bonbonne-thermos remplie d�eau fra�che, nous saluons les occupants et nous nous glissons � l�int�rieur. Il est cinq heures quand nous prenons la direction de Reggane. Il fait sombre et le ciel �toil� scintille sous nos yeux. Notre v�hicule file comme une fl�che et apr�s une heure et demie de trajet, nous arrivons � Reggane apr�s 140 km. L�, il commence � faire jour et nous d�cidons de nous attabler � la terrasse d�un caf� et le serveur encore les yeux boursoufl�s par une veill�e, s�empresse de nous servir. Nous devons attendre le convoi (12 autres v�hicules). Une demi-heure apr�s, tout le monde se rassemble et la caravane s��branle pr�c�d�e de l�escorte de la Gendarmerie nationale. En effet, durant tout le trajet, elle assure la couverture de part et d�autre du convoi. A la sortie et devant la plaque comm�morative, un nouveau rassemblement devant �la route de la concorde�. Vers huit heures, c�est le d�part. Il faut parcourir 125 km de goudron. Ce tron�on se fait sans encombres. Sit�t ces kilom�tres aval�s, c�est la piste du redoutable d�sert du Tanezrouft. Notre chauffeur, Moulay Ali Reggani, l�homme qui sait tout faire et responsable du centre de sant� de Bordj-Badji- Mokhtar est un fin connaisseur du terrain et de la m�t�o. Sa moustache pendante et son �il de lynx aguerri, qui scrute l�horizon, nous rassure. Il conna�t et parcourt ce d�sert depuis plus de 20 ans. Il conduit de jour comme de nuit. Ici, le d�sert r�gne en ma�tre absolu. Pas de pierres, pas d�arbre, pas d�oiseaux. Rien. Seule une vaste �tendue de sable fin qui se confond avec l�horizon. Seuls les camions viennent troubler ce silence abyssal Qui oserait s�aventurer et d�fier ce majestueux et intr�pide d�sert ? Parfois, quelques gros camions de type Berliet ou Man viennent troubler ce silence abyssal. Ils mettent deux jours, parfois trois, pour parcourir cette immensit� sauf si un impr�vu d� � un mat�riel v�tuste, us� et fatigu� par le temps que les routiers solidaires entre eux finissent par venir � bout. Il faut savoir que pour atteindre B.B.M., il faut faire 650 km � partir de Reggane. De temps � autre, des carcasses de voitures rouill�es et rong�es par le soleil et le temps rappellent le passage de certains aventuriers qui ont laiss� leur vie pour avoir os� affronter le Tanezrouft sans aucune exp�rience. Ici l�erreur, la n�gligence et l�imprudence sont impardonnables. Si la piste est balis�e, une balise tous les 1 ou 2 km, des plaques de signalisation indiquent et rappellent qu�il est strictement interdit de s��carter de cette voie. Une erreur d�orientation pourrait arriver au plus malin et beaucoup de personnes furent englouties dans cet endroit d�sol�. Le Sahara est un royaume de lumi�re et de sable. Sur notre passage, un long convoi de camions-citernes charg�s de carburant et de gaz sous bonne escorte militaire, avance p�niblement, fendant cette �tendue d�sertique. Au loin apparaissent des mirages, porteurs de faux espoirs. Le meilleur moyen de ne pas se perdre, c�est de suivre les balises. Mais quand le vent de sable se l�ve, et commence � souffler, c�est � ce moment que beaucoup d�imprudents s��garent, il faut redoubler de sagesse et de prudence et s�immobiliser en attendant l�accalmie. Se d�salt�rer de temps � autre est indispensable et l�eau et les boissons fra�ches sont tr�s appr�ci�es. D�ailleurs, une bonne ambiance r�gne. Youssef et son portable, Hocine et El-Hachemi animent chacun � sa mani�re afin d�oublier un tant soit peu cette travers�e du d�sert qui dure depuis 5h du matin. Hocine s�improvise en chanteur polyglotte que personne n�ose d�tr�ner. Nous nous plions � son r�pertoire sans broncher. Quant � Youssef, arm� de sa cam�ra, il immortalise cet instant magique. A 10h30, nous arrivons au PK200. Nous venons de parcourir 340 km. PK 200 est une petite garnison militaire qui effectue un contr�le et les usagers de la piste doivent obligatoirement signaler leur passage. Sit�t la halte termin�e, le convoi reprend la route. Les v�hicules roulent en parall�le afin d��viter ce tourbillon de poussi�re qu�ils soul�vent car il p�n�tre jusqu�aux narines. Il faut savoir s��quiper et le ch�che est indispensable. Encore quelques gros camions charg�s de denr�es alimentaires ou de dromadaires avancent p�niblement. Un long klaxon est synonyme de salut. Au fur et � mesure que l�on s�enfonce dans cet endroit hostile, on ressent une �trange impression. Celle de se rendre compte que notre pays est vaste et que dans cette contr�e lointaine, le vide est total et le calme et la s�r�nit� contrastent avec le tohu-bohu des villes. Si pour nous, ce voyage repr�sente une v�ritable aventure, pour nos chauffeurs bien aguerris et plus exp�riment�s, c�est une randonn�e comme tant d�autres. Parfois, on est ballott�s dans tous les sens et il faut avoir des reins solides et un estomac qui a fait ses preuves pour tenir le coup. Apr�s quelques heures de sable, de poussi�re, de secousses, car tout le monde se contorsionnait, on arrive enfin au PK400 (point kilom�trique). Nouveau contr�le militaire. Ici, une plaque comm�morative indique le passage de la ligne du tropique du Cancer. Tous se pr�cipitent pour prendre une photo-souvenir, afin de d�pouiller l��me du plus pur de ses joyaux. Cette halte nous permet de nous d�gourdir les jambes et d��changer quelques bribes de conversation. Il faut encore attendre les retardataires. Il reste encore 250 bornes � faire : 125 km de piste et 125 km de goudron. Une fois, tous les v�hicules regroup�s, nous d�cidons de reprendre notre exp�dition et sans plus tarder, la caravane s��branle dans un immense tourbillon de poussi�re. Puis chacun essaie de trouver le meilleur endroit et se faufiler pour une bonne visibilit�. Au loin, appara�t B.B.M. imposante comme une conqu�rante au milieu du Tanezrouft Avant de partir, les chauffeurs ont pris le soin de se ravitailler en carburant pour �viter toute surprise. Il est 17h00, lorsque au loin, appara�t B.B.M. qui s�est impos�e telle une conqu�rante au beau milieu du Tanezrouft. B.B.M. est une da�ra de 12 000 habitants qui se trouve � 800 km d�Adrar et son acc�s difficile la rend plus myst�rieuse et lunatique. A l�entr�e, le chef de da�ra nous attend de pied ferme ; pr�c�d�s de notre escorte de la gendarmerie, nous p�n�trons la cit�. Ce qui frappe le visiteur, ce sont ces constructions en piz� (toub) qui c�toient �trangement des habitations en dur devant lesquelles sont dispos�s des f�ts en guise de vide-ordures. B.B.M. tire son origine du nom targui : Inadek qui signifie argile que l�on recueille au fond d�un puits ass�ch�. Mais du temps de l��poque coloniale, un Fran�ais, du nom de Laprieur, entreprit le creusage d�un puits. Puis tout autour fut construit un fort qui porta son nom : Fort-Laprieur. A l�ind�pendance, Fort-Laprieur fut baptis� B.B.M. En poursuivant notre avanc�e � travers les rues de la cit�, s�offre � nous un spectacle �trange : si en Inde, les vaches sont omnipr�sentes, ici � B.B.M., les ch�vres sont partout. Et pour prot�ger les arbustes plant�s, on a recours � une sorte de foggara dont le but sert uniquement � repousser ces herbivores. Ici � B.B.M., l�eau, source de vie est difficile d�acc�s et pour aller la chercher, il faut des forages qui d�passent largement les 400 m�tres. D�ailleurs, au niveau du p�rim�tre agricole, si l�Etat a engag� des fonds pour une mise en valeur, les b�n�ficiaires n�ont pas mis la main � la p�te et du mat�riel cher est abandonn� (pompes et autres ...). A ce sujet, le wali a donn� des instructions fermes de fa�on � �viter cette anarchie et � accorder la priorit� � ceux qui travaillent r�ellement. �Je ne veux pas de noms sur le papier, je veux des gens qui retroussent les manches et s�attellent � la t�che�, a-t-il d�clar�. Ici les l�gumes et les fruits proviennent du Nord, et les habitants de B.B.M. en sont ainsi d�pendants. A titre d�exemple, la pomme de terre d�passe largement les 100 DA et le prix de la viande ovine varie entre 200 et 300 DA le kilo. Quant � la viande cameline, elle ne d�passe gu�re les 150 DA. Les habitants se rabattent surtout sur les p�tes, le riz et le lait de chamelle, para�t-il, tr�s bon pour les femmes qui connaissent des difficult�s de procr�er. Ici, le couscous n�existe pas La viande cuite � l��touff� est un v�ritable r�gal pour le palais. Le soin du rituel de la pr�paration du th� est laiss� aux femmes qui, de leurs mains habiles et enduites de teinture bleue, vous concoctent un breuvage mousseux tr�s appr�ci� et dont la d�gustation ob�it � la r�gle de trois verres. Les cigarettes se vendent entre 200 et 250 DA la cartouche. De quoi encourager les fumeurs � profiter de cette aubaine. Durant le s�jour du wali et de la d�l�gation qui l�accompagne, plusieurs projets furent mis sur place. L�a�roport sera dot� d�une nouvelle piste de 3000 m�tres qui remplacera l�ancienne en tuf et permettra ainsi � de gros porteurs d�atterrir. La centrale �lectrique, l��ducation, la PAF, la sant�, la poste, le commerce, l�artisanat ont fait l�objet d�une attention particuli�re et ainsi des d�cisions importantes furent prises afin d�apporter un plus � cette population. Les activit�s de la police des fronti�res en 2005, montrent que 4667 �trangers ont transit� par B.B.M. On retrouve diff�rentes nationalit�s (malienne, nig�rienne, syrienne, fran�aise, mauritanienne, libyenne et espagnole). 4586 tonnes de marchandises ont �t� export�es et 324 tonnes de th� import�es. A B.B.M., la piq�re du scorpion noir est redoutable et dangereuse. Il est partout et le seul moyen de s�en pr�munir c�est de lutter efficacement contre les d�tritus et les ordures m�nag�res. Aujourd�hui, les rues de B.B.M. sont enti�rement goudronn�es et beaucoup de commerces fleurissent et proposent des produits h�t�roclites � des prix fort all�chants. La chaleur d�courage les plus hardis et la temp�rature, gu�re cl�mente, oblige les gens � se cantonner chez eux en attendant la fra�cheur nocturne, lib�ratrice, qui apporte un grand soulagement et une animation qui se traduit par l�occupation des terrasses de caf� dont les veill�es se terminent tard dans la nuit. D�autres pr�f�rent se r�fugier chez eux, berc�s par la fra�cheur artificielle que d�gagent les climatiseurs, install�s confortablement devant leurs postes de t�l�vision d�vorant les programmes que diffusent les cha�nes paraboliques. Car la transmission parabolique existe et la t�l�phonie mobile (Mobilis) et fixe vous permet de prendre contact avec le monde ext�rieur. Presque tous les �Bordjis� poss�dent un portable et ils ne s�en privent pas. Au niveau du secteur sanitaire, un centre de sant� sous la responsabilit� d�un certain Moulay Ali, est devenu le centre n�vralgique de la ville. Consultation, vaccination, radiologie, soins dentaires sont dispens�s r�guli�rement � la population. Une accoucheuse rurale omnipr�sente rend d��normes services aux femmes. Les naissances recens�es ne d�passent gu�re les 6 ou 7 par mois. Bien s�r, beaucoup d�accouchements se font au niveau des domiciles o� les matrones tr�s sollicit�es, occupent une place pr�pond�rante. La pharmacie n�existe pas. Seule celle de l�h�pital continue � servir aux heures d�ouverture. Le CEM sera pr�t en 2009 Bient�t, un priv� de Reggane pourrait s�installer. Au niveau de l��ducation, 5 �coles primaires et 1 CEM permettent aux apprenants,avides de savoir et dont les r�sultats satisfaisants, de percer et d�am�liorer les connaissances acquises. Une fois, le BEF en poche, les coll�giens doivent se rendre � Reggane (650 km) afin de poursuivre leurs �tudes. Bien que l�internat pour les filles existe, nombreuses sont celles qui sont retenues par leurs parents qui acceptent mal de voir leurs filles partir, seules. Les pr�occupations de ces derniers ont �t� entendues et un lyc�e ouvrira ses portes en 2007. Timiaouine, est une commune de plus de 6500 �mes. Elle est situ�e � 150 km au sud-est de B.B.M. Sa piste rocailleuse et escarp�e la rend difficile d�acc�s. Il faut compter entre 3 et 4 heures pour y arriver. Au cours du voyage, le paysage change admirablement et de larges espaces verdoyants viennent ponctuer cette immensit� d�sertique. Des s�dentaires sous leurs tentes, occupent les lieux et au PK50, c�est l�unique point d�eau qui donne rendez-vous � une multitude d�hommes, d�enfants et d�animaux. Quotidiennement plus de 8000 b�tes viennent se d�salt�rer et de nombreux camions charg�s de f�ts de 200 litres se ravitaillent de cette denr�e rare pour l�acheminer et la r�partir � travers le d�sert. Ensuite quelques kilom�tres plus loin, c�est la borne n�12 qui marque la fronti�re alg�ro-malienne. Timiaouine dispose de 2 �coles primaires qui ont b�n�fici� de la construction de 2 salles de classe. Le CEM sera r�alis� en 2009. Un centre de sant� sous la responsabilit� d�un m�decin permet un meilleur suivi de la population. Ici pas de pharmacie, pas de dentiste ! Une �valise de campagne� leur sera attribu�e afin de pallier le manque. La minicentrale �lectrique fournit 4 heures de courant par jour A Timiaouine, le probl�me crucial qui demeure, telle l��p�e de Damocl�s, est l��lectricit�. En effet, la minicentrale ne distribue cette �nergie que quatre heures par jour. Equip�e de 6 groupes, seuls deux fonctionnent et les 4 autres, pour une histoire de pi�ces d�tach�es ne d�marrent pas. Les instructions du wali ont �t� tr�s claires. R�parer les groupes et les faire tourner durant le mois de mai et ainsi permettre aux habitants de la commune de profiter pleinement de cette �nergie 24 heures sur 24. La question des omis ressurgit et une p�riode de 15 ans leur fut allou�e pour la r�gularisation, mais cette p�riode est �coul�e et les omis sont toujours l� et la r�ponse est claire. Pour toute r�gularisation, se munir du dossier exig� et se pr�senter devant la justice comme ultime moyen. Le t�l�phone fixe permet une �chappatoire et de rentrer en liaison avec le monde ext�rieur. Aucune distraction, aucun moyen de loisir, l�unique centre r�serv� aux jeunes est ferm�. Il faudrait se manifester et commencer � animer et � fr�quenter ce lieu avec les moyens du bord en attendant de meilleurs �quipements. La chaleur est insupportable et s�aventurer sous ce soleil de plomb rel�ve du d�fi. Ici, les animaux domestiques sont omnipr�sents et rappellent la dure r�alit� de la vie mais des projets sont inscrits dans le cadre du d�veloppement initi�s par le gouvernement comme l�octroi de locaux commerciaux, logements. �Le seul moyen de promouvoir et de d�velopper la r�gion de B.B.M., c�est de l��riger en wilaya au m�me titre que Tindouf�, pensent ses habitants. Elle pourrait �ventuellement conna�tre un essor dans les secteurs de l�agriculture et du commerce. L�exploitation de son a�roport, une fois la nouvelle piste termin�e et r�alis�e, par des compagnies nationales et �trang�res, permettrait de r�aliser des recettes qui contribueraient pleinement � l'�panouissement et � l�embellissement de la r�gion. La route de la concorde n�est pas encore achev�e. Il reste encore 400 km � faire. Celle-ci sortirait d�une mani�re d�finitive B.B.M de son d�senclavement.