Un médecin ausculte à coeur ouvert les douars des Aurès. Un livre témoin. Amrir ou le médecin qui ausculte sa région. Le Dr Bachir Rahmani est le médecin de campagne dans toute sa splendeur! Les mains armées de son seul savoir, et le coeur en bandoulière, notre médecin s'en est allé à la reconquête de son village de jadis. Un village accroché aux pans des monts Aurès où la nature est belle et rude! Là, il n'y a aucun artifice, tout est clair, net et surtout vrai! Vraies les petites haines, souvent jugées mesquines, et vraie la misère des gens rivés à ce morceau de terre, une terre rude et belle! Dans un langage voulu aussi simple que possible qui trahit cependant, sa formation médicale, pour laquelle le Dr Bachir voue une réelle passion, l'auteur d'Amrir commence par nous prendre par la main, et à travers un paysage changeant, nous guide vers la vie, là-haut dans les coins isolés, où le citadin ne soupçonne guère une trace d'humanité! L'oeuvre, un hymne à la région de T'kout et à travers lui, à la région des Aurès, une région belle et fière, mais combien rude! Le Dr Bachir Rahmani n'est pas tendre avec les Aurès et les décrits en des termes qui, pour le profane, peuvent sembler durs. Mais que l'on ne s'y trompe pas, toute cette littérature n'est en fait, qu'un immense amour hurlé à ces fières montagnes qui furent, et sont certainement le berceau de tant de géants. L'auteur rend d'ailleurs un hommage appuyé à l'un des enfants des Aurès: le chahid Benboulaïd. Ceci ne l'empêche pas ou plutôt le pousse à écrire: «Mon village désert est fait de déserts...un véritable no man's land où les êtres ont ras-le-bol d'être...» Il s'en prend également à ce «tribalisme», ce repli sur soi, pour lui incompréhensible. L'oeuvre est aussi, un hommage à la science et à la médecine. Dans la trame essentielle, on suit le médecin de douar dans sa quotidienneté, une quotidienneté âpre et difficile, âpre et rude comme le sont nos paysans! Une vie presque impossible entièrement vouée à soigner l'autre, tout l'autre! Le Dr Bachir et ce n'est guère une découverte, est ce nationaliste qui, malgré les écueils, ne s'avoue pas vaincu! Dans ce village du bout de l'oubli, il lutte contre le mal tout en essayant sinon de combattre, du moins d'espérer qu'un tilt viendra secouer les gens «pour changer tout cela!» D'emblée on est plongé dans les petites querelles des douars avec toute leur poésie et leur horreur ! Quand on prend son livre, tiré à compte d'auteur, on est d'abord frappé par le choix des couleurs qui ornent la couverture: le caducée du médecin trônant en belle place et des couleurs tirées de l'historiographie nationale; «rouge et vert avec le blanc c'est le drapeau national!» Les pages défilent et les paysages se révèlent: beaux, magiques, durs et aussi impitoyables! Aussi, implacables que semblent être les hommes, sauf que pour les hommes, et l'auteur le signifie bien, cela est le fait de...l'environnement qui lui est féroce, farouche. Le Dr Bachir laisse sa plume courir et, dévoiler l'homme au coeur sensible. Il raconte Les Aurès avec beaucoup de tristesse et de chagrin, un chagrin que l'on devine encore vivace, dans le chapitre intitulé: «Le pavillon des cancéreux», la longue agonie d'un étudiant qu'il a appris à aimer! Le cancer a touché et abattu, finalement après bien des batailles où le courage n'est pas absent, un jeune étudiant, Tahar O. Achoura, emporté à l'âge de 20 ans, par le mal, un mal le plus craint d'entre tous les maux : le cancer. Avec le verbe simple, l'auteur nous en parle avec des mots crus: «Autodidacte et très érudit, partisan d'un mouvement culturel et très à cheval sur ses racines berbères, il faisait partie de la rarissime race de gens sincères et dont le geste est conforme au verbe...». Et tout était dit! Amrir est un livre différent! Il n'est écrit que pour transmettre un message, un message d'amour à la terre des Aurès et à travers elle, à cette Algérie que chacun d'entre nous porte fichée profondément en son coeur ! Il saura, également, être lu avec profit par les futurs médecins qui s'apprêtent à vivre leur vie dans la campagne profonde.