“Cette course, je l'ai finie au courage. J'étais un peu au radar. Mais je suis tellement heureuse de l'avoir faite.” Jusqu'au bout, Christelle Laura Douibi aura souffert pour réaliser son aventure olympique. Le calvaire a commencé à la fin de l'été dernier lorsque la jeune fille, 21 ans seulement, chute lourdement en s'entraînant. Verdict : ligaments de la cheville rompus et quatre fractures. “Beaucoup me disaient que je ne pourrais pas venir ici. Moi j'ai été convaincu que si.” Mais, dans la nuit de dimanche à lundi, alors que le super G prévu la veille avait été reporté, c'est un autre mal qui a assailli cette grande (1,70 m) brune aux yeux noirs : “J'ai dû manger un truc qu'il ne fallait pas. Je me suis senti mal, j'ai vomi, je n'ai pas dormi de la nuit. Moi qui n'aime pas le café, j'ai dû en boire au moins quatre pour me réveiller, avec de l'aspirine : j'avais 39 de fièvre.” Mais lundi après-midi, sous les coups de 15 heures, Douibi, dossard 55, a surgi comme prévu du cabanon. “J'ai failli déclarer forfait. Mais c'était trop important pour moi de défendre ces couleurs.” Celles de l'Algérie, celles de son père. Du pays méditerranéen, elle ne connaît pas grand-chose. Elle y a été “quatre ou cinq fois” durant sa jeunesse et vient de rencontrer ses oncles et tantes de Sétif, qu'elle espère bientôt aller visiter. Son père venu travailler en France dans la région lyonnaise, c'est à Grenoble que la skieuse est née, au pied des pistes. Pas n'importe lesquelles : les savoyardes où dès ses premiers pas, elle a chaussé les planches au club de Villard-de-Lans auprès d'une certaine Carole Montillet. “Elle a un bon professeur : le même que moi ! s'exclame la Française championne olympique de descente en 2002 et 4e du super G lundi. On était voisine, je l'ai vu grandir et progresser. Ce qui lui arrive est génial.” Bonne skieuse régionale, courant sous les couleurs du comité dauphiné et possédant la double nationalité, elle n'avait vécu jusqu'ici les JO que par… procuration, via sa camarade tricolore dont elle avait participé à l'accueil triomphal après le sacre à Salt Lake City. Et, “il y a deux ans”, elle a eu l'idée de tenter sa chance pour l'équipe nationale algérienne avec en vu ces JO. “On l'a tout de suite encouragée”, explique Montillet. “Je me suis rendu au consulat à Grenoble pour leur présenter le projet. Ils ont été emballés et ont fait toutes les démarches nécessaires.” Au pays, la Fédération de ski lui vient aussi en aide. “Ils sont très actifs. Il y a de très beaux endroits pour skier, ils font des choses avec les jeunes et possèdent deux-trois athlètes de bon niveau.” Douibi, qui partage depuis 10 jours la logistique des filles de l'équipe de France, pouvait sans doute espérer mieux que son 40e rang en descente et sa 42e place en super G. Mais “avec seulement trois semaines d'entraînement et un hiver passé en béquilles”, l'essentiel était “d'arriver en bas”. En franchissant la ligne “avec un mal de tête énorme”, elle a été accueilli dignement par ses amis du fan club de Montillet, issus de Villard de Lens et par le speaker de l'organisation, la mettant en évidence. “Facétieuse, dynamique, fonceuse”, elle a répondu en faisant rire la foule via le grand écran interposé. Douibi ne compte pas s'arrêter là. En espérant revenir, cette fois, en possession de tous ces moyens. “Défiler au stade olympique, avec le drapeau algérien, devant 50 000 personnes… C'était génial. Un rêve.” Nicolas Le Gardien?