Le comité de village de Laâziv n'Cheikh, dans la commune de Aïn Zaouïa, au sud de Tizi Ouzou, avec la participation de l'association Tagmats, présidée par M. Rabah Zamoum, fils du colonel Mohammed Zamoum, dit Si Salah, a procédé jeudi dernier à la construction de la tombe du grand écrivain Mohammed Amokrane Haddadi, décédé le 26 décembre 2007 après une longue maladie. En parallèle, il y eut au sein de la place du village une exposition photos montrant l'instituteur avec ses élèves quand il enseignait à Deux Moulins (Bologhine) et, bien sûr, son parcours du berceau à la tombe. Abdenour Aslam, ainsi que d'autres intervenants ont donné une conférence dans laquelle ils sont longuement revenus sur les qualités humaines et intellectuelles de l'enfant prodigue de Laâziv n'Cheikh. “C'est un patriote, un militant des luttes démocratiques et des combats justes, un éducateur. En somme, un sage. Il aimait respecter autrui”, a-t-il souligné avant de s'étaler sur son parcours reconnu universellement. L'un de ses compagnons a témoigné que c'était quelqu'un qui prônait la tolérance sous ses diverses formes. L'une de ses filles (Fadhéla) a avoué qu'il était né orphelin et savait donc les misères endurées par ces personnes, d'où le titre de l'une de ses œuvres Le combat des veuves. “Il ne s'est jamais plaint. Même à la mort de mes frères, de ma sœur et puis de ma mère. Il remerciait toujours Dieu et de ce qu'il donnait”, a-t-elle témoigné devant l'assistance. Mohammed Amokrane Haddadi est né en 1919 au village Laâziv n'Cheikh, dans la commune mixte de Draâ El-Mizan. Actuellement, son village natal dépend de la commune de Aïn Zaouïa. Il est issu d'une famille de paysans qui ont consacré leur vie au travail de la terre, à l'instar de tous les villageois soumis à des conditions pénibles, notamment durant la colonisation. Il fit ses études primaires à l'école des Pères Blancs de Bounouh, puis passe son CEP en 1932, avant d'aller continuer ses études, tout comme Feraoun, au collège de Tizi Ouzou. C'est à l'école normale de Bouzaréah qu'il obtint son diplôme d'instituteur. Durant cette période, il partagea sa vie ave Mouloud Feraoun. D'ailleurs, le jour où ce dernier et ses compagnons avaient été assassinés, il était lui aussi convié à la réunion. Tout comme Fouroulou, il débuta sa carrière d'enseignant en Kabylie, à Ath Ouarthilène, puis à M'Chedellah, ex-Maillot, à Ath Merdja (Bounouh). Il continua à enseigner à Clos Salembier, à Bab Djedid, à Boufarik où il fera paraître une revue Clartés, puis à Bologhine. Pour avoir refusé de faire chanter à ses élèves la Marseillaise, il fut arrêté par les parachutistes de Massu en 1959. Durant la guerre de libération nationale, il apporta positivement sa contribution en établissant des contacts politiques avec des responsables à Alger.Après l'indépendance, il reprit sa carrière d'enseignant tout en affichant ses positions démocratiques à l'égard du pouvoir en place. Ce qui lui a valu le retrait de son passeport en 1980. Il devint professeur de français au CEM Zamoum (l'actuel lycée) de Boghni, puis inspecteur de la circonscription de Draâ El-Mizan jusqu'à sa retraite. Dans le domaine de l'écriture, il publia en 1954 L'accent grave, Poèmes, Regain sous le pseudonyme de Djim Laforge, Il faut le jour, poèmes et La Tour de feu en 1961. Au milieu des années 1980 Combat des veuves (1981), puis La Malédiction et, enfin, Bavures. Actuellement, sa famille possède de nombreux manuscrits qu'il n'a pu publier pour des raisons de santé. Avec l'ouverture du champ médiatique, il anima dans le journal Liberté la chronique “En toute liberté”, sous le pseudonyme de Mokrane Lazib. Il se retira dans son village et contribua à la création de la revue du village Thafrara. Il mourut le 26 décembre 2007 à l'hôpital Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou après une longue maladie. Il fut enterré trois jours après dans son village dans une intimité la plus totale. O. Ghilès