Les férus de la boxe - et ils sont nombreux - sont en droit de manifester leur déception à propos du silence ayant entouré la disparition de Hocine Khalfi, l'un des plus grands champions que l'Algérie ait possédé. Qui est responsable de cette omission ? Réponse : tout le monde, les organes sportifs, ses proches et nous-mêmes. Car, tout de même, Hocine Khalfi n'était pas un citoyen ordinaire. C'était un sportif de classe mondiale dans une discipline dure et impitoyable. Il a brillé de mille feux sur les rings du monde entier, et plus particulièrement aux USA, pays de la boxe par excellence. En dépit de son cliché défavorable, la boxe continue à fasciner les jeunes, alors que les anciens lui vouent une passion sans limite. Nous tenons à rappeler que le jeune Hocine, qui s'est engagé dans la discipline à l'âge de 17 ans sous la houlette de l'inoubliable Bariba, a gravi les échelons. Champion d'Algérie poids plumes en 1945, élu «gant d'or» du meilleur styliste, Hocine se retrouve à Paris et commence à livrer ses premiers combats au «Central» de Paris. Il n'avait que 18 ans. Devenu professionnel, il enchaîne 23 combats consécutifs. Tour à tour, il boxera en province, en Angleterre, en Italie, en Belgique, en Suisse et également en Algérie, Tunisie et Maroc. Déconsidéré par rapport à des adversaires qu'il a battus tels Bonnardel, Carrara, Dumesnil et Herbillion, Khalfi est pris en main par le célèbre manager Bretonnel. C'est le véritable départ d'une grande carrière aux USA. Et c'est le 17 mai 1954 que Hocine signe le plus grand exploit de son parcours en battant le champion du monde américain, le redoutable Sandy Saddler. Hélas, le titre n'était pas en jeu. Il affrontera par la suite un autre grand champion, l'Italien Dullioloi, à Milan, un combat auquel ont assisté des fans oranais qui avaient effectué le déplacement à Milan par avion spécial ! Khalfi n'a pas été chanceux comme d'autres boxeurs. La preuve, Saddler refuse de lui accorder un second combat et préfère battre - plutôt massacrer - un autre adversaire, le Français Ray Famechon. Saddler tenait trop à sa ceinture de champion du monde qu'il a conservée durant neuf ans ! Un autre exemple qui prouve le grand talent de Khalfi : il a été «présélectionné» par les experts dans la liste des dix boxeurs susceptibles de vaincre Percy Basset, une véritable terreur du ring des poids plumes. Cette liste est composée de boxeurs de différents poids avec, pour chacun, un potentiel pourcentage de réussite. Voici cette liste dans un ordre décroissant, Robert Cohen 60%, Séraphin Ferrer 50%, Hocine Khalfi 45%, Sauveur Chiocca 40%, Idrisse Dionne 35%, Ray Famechon 30%, Mohamed Chikhaoui 25%, Valère Benedetto 20%, Chérif Hamia 15% et Hilaire Pratési 10%,. On remarquera la présence de trois grands boxeurs algériens, Hamia, Khalfi et Chikhaoui. «Convoqué» à Paris, Khalfi croise les gants avec son compatriote Lahouari Godih pour le compte du championnat de France des poids légers. Bien qu'il ne fût pas préparé, Hocine a accepté ce combat qui est revenu à Godih. Il s'en est suivi une brouille entre les deux hommes, qui a pris fin il y a quelques années, à l'initiative des responsables de la ligue d'Oran de boxe. Ayant raccroché les gants (trop tôt, selon les experts), Khalfi, conscient de la situation, est devenu un grand cuisinier. Il a exercé son talent dans un grand hôtel de Los Angeles et même dans de célèbres transats américains, ce qui lui a permis de visiter plusieurs pays lointains. Après l'Alaska, il revient à Los Angeles où il prendra sa retraite à 64 ans. Veuf d'une épouse américaine qui lui a donné deux enfants, Khalfi s'est remarié à Oran. Il n'a jamais réussi à se réadapter à sa nouvelle vie oranaise. Il y a quelques jours, le cœur du champion et du vieux loup de mer a cessé de battre. Décédé le vendredi 26 août 2011, Khalfi a été accompagné à sa dernière demeure par ses proches et amis dans la plus stricte intimité. Assurément, il méritait une tout autre fin