Réunis mardi à Paris, les membres de la coalition internationale en lutte contre le groupe Etat islamique ont appelé «au prompt lancement d'un véritable processus politique inclusif sous l'auspice des Nations unies» pour rétablir la paix en Syrie. L'appel venant d'Etats ayant depuis le début du conflit syrien systématiquement sabordé toutes les initiatives qui ont été tentées pour mettre en route ce processus ne va probablement pas être rejeté par le régime de Damas et ses alliés. Sur le principe, il rejoint en effet ce qu'ils ont été les premiers à préconiser. Mais ils ne s'impliqueront dans la démarche maintenant prônée par ces mêmes Etats que si ceux-ci renoncent à imposer leurs conditions sur qui seront les acteurs politiques syriens appelés à prendre part à ce processus et sur quels résultats il doit déboucher. Ils sont assurément en droit d'être méfiants à l'égard de l'initiative des membres de la coalition dont certains ont par avance décidé qui va être admis ou non à la table des négociations. En s'arrogeant ce droit, ils ont enlevé sa signification au terme «inclusif» qu'ils ont accolé au processus politique au lancement duquel ils appellent. Les membres de la coalition anti-Daech sont apparemment conscients qu'en Syrie la résolution du conflit passe par la solution d'un processus politique. Mais ils restent accrochés à leur objectif de départ depuis le début du conflit qui est qu'El Assad n'a plus voix au chapitre dans les négociations ayant trait à sa résolution. Ils disent accepter que le régime syrien soit partie prenante au processus politique mais pas représenté par Bachar El Assad ou ses proches. En établissant ce distinguo, ils tentent à l'évidence de diviser le régime et de susciter des dissidences en son sein. Leur stratégie n'est pas nouvelle et bien qu'ayant constaté qu'elle n'a pas abouti au but qu'ils lui ont fixé, ils n'ont pas opté pour en changer. Sauf qu'au point où en est arrivé le conflit syrien, ces apprentis sorciers vont droit au mur. Car désormais en Syrie face à l'Etat islamique qui n'a rien perdu de ses capacités combatives, il n'y a que le régime et ses forces militaires et paramilitaires. L'effondrement de ce régime tel que recherché par des membres de la coalition anti-Daech c'est la garantie assurée que la Syrie tombera tout entière sous la botte de l'organisation djihado-terroriste à laquelle ils ont déclaré la guerre. Leur expérience en Irak a fait prendre conscience aux Etats-Unis que le vide que créera en Syrie l'effondrement du régime et de ses institutions favorisera ce scénario que le monde entier redoute. C'est pourquoi ils sont apparemment moins tranchants sur la question du refus de la présence à la table de négociation de représentants du président syrien. Les intransigeants sont la France, la Turquie et les monarchies arabes. Ces mêmes Etats qui ont fait ouvertement ou par «laxisme» que Daech soit devenue la puissante organisation djihado-terroriste qu'elle est. Le Premier ministre irakien qui était présent à la réunion de Paris a balancé à la face de leurs représentants cette vérité qui est que c'est de chez eux que parviennent à Daech les renforts humains, matériels et financiers qui lui permettent de conserver ses capacités offensives. Que ces Etats se disant en guerre contre Daech commencent d'abord par renoncer à leur position ambiguë et à leur fixation sur Bachar El Assad et son régime. Faute de quoi le khalifa islamique que cherche à instaurer Aboubakr El Baghdadi sera très vite la cruelle réalité du Moyen-Orient.