Pour homicides volontaires avec préméditation, Bachir Amrani, 58 ans, père de famille, a été condamné ce lundi à la peine capitale par la cour criminelle de Annaba. Cette nuit du 6 au 7 mai 2003, alors qu'il consommait sa bière dans ce bar discothèque dans la périphérie de Annaba, Bachir Amrani se sentait très fort. Comment pouvait-il en être autrement, lui, le chef des patriotes connu à Besbes (El Tarf), sa commune natale, pour être sans peur et sans reproche. D'autant que la carabine US en sa possession et sa qualité de patriote confortaient son impression d'invincibilité. Cette nuit-là, à la vue de S. Sana la chanteuse surnommée « Kiki », Amrani s'était senti pris d'un certain émoi. Sa libido en éveil, il ne cessait de couver du regard son corps. Il était prêt à tout pour la conquérir. Il ne ratait aucun de ses tours de chant. Il n'en pouvait plus d'attendre d'elle un geste cajoleur, un regard complice et, pourquoi pas, une étreinte même furtive dans un des coins sombres de ce bar d'Echat. Dans sa robe collante sur un corps de fée, en chantant tout en se trémoussant jusqu'au petit matin, Kiki ravivait sa passion. Cette discothèque de Sidi Brahim n'était rien d'autre qu'une étape de quelques minutes avant de rejoindre, avec son amant, son lieu de travail d'Echat. En entrant, elle avait remarqué la présence de son amoureux transi. Elle savait, par les serveurs, que Amrani la voulait. Elle savait aussi que, pour lui soutirer quelque argent, les mêmes serveurs appâtaient son amoureux éconduit en lui faisant croire que, elle, Sana, était intéressée. Amrani languissait de toutes ces promesses qui tardaient à se matérialiser. Et lorsque cette soirée-là, il vit Sana et son amant entrer dans ce bar de Annaba, son sang ne fit qu'un tour. Il ne pouvait plus contenir sa jalousie. Une sourde colère montait en lui. Elle atteindra la rage lorsqu'il croisa le regard méprisant de Sana et de son amant Amara. Ceux-ci sortirent aussitôt pour se rendre à Echat où ils devaient travailler l'une à chanter pour le plaisir des consommateurs, l'autre à veiller au bon ordre à l'intérieur de son établissement. C'est là qu'ils furent rejoints un quart d'heure après par celui qui allait devenir leur assassin. Dès son entrée dans le bar, Amara l'arrosa d'insultes, le pria de quitter son établissement puis, constatant que Amrani n'obtempérait pas, le prit par la taille comme s'il s'agissait d'une marionnette et le jeta dehors. Passe encore que l'acte ait été commis devant tous les consommateurs, mais devant sa belle Sana, l'affront ne devait pas rester impuni. En quelques secondes, Amrani prit la décision de se venger en les tuant tous les deux. Il avait le nécessaire pour ce faire. Il prit sa Mercedes et alla se positionner une cinquantaine de mètres plus loin. Juste ce qu'il faut pour voir ses futures victimes et ne pas être vu lorsqu'elles sortiront. Il arma sa carabine et attendit. Minuit était depuis longtemps passé lorsqu'il vit Sana et son amant prendre place dans leur voiture. Ils étaient accompagnés d'un consommateur et de Malika, une entraîneuse. Ils empruntèrent la route menant à Annaba. Il faisait nuit et, pour Amrani habitué à chasser les terroristes de nuit, un temps idéal pour le crime parfait. Ce fut un jeu d'enfant de les rejoindre avec sa puissante Mercedes. Simulant un dépassement, il se positionna à hauteur du conducteur et tira à bout portant sur Amrani. Puis, avant que le véhicule ne se renverse, il visa tout aussi calmement Sana à la tête qui éclata sous l'impact de la balle. Les deux autres passagers à l'arrière réussirent à s'extirper de la voiture qui, entre temps, s'était retournée les quatre roues en l'air. Amrani les chercha pour les achever. Il entre aperçut Malika tentant de fuir. Encore une fois, Amrani visa la tête puis tira. Pressé d'en finir avec le quatrième passager potentiel témoin du carnage, il n'avait pas remarqué que Malika était toujours en vie et qu'il n'avait fait que lui transpercer de part en part les joues. Tout autant que le consommateur, elle réussira malgré sa blessure à se cacher dans les fougères. Ce n'est qu'au petit matin que les deux rescapés de la tuerie purent rejoindre la brigade de gendarmerie d'Echat. Ils avisèrent les gendarmes de l'acte criminel dont ils venaient d'être victimes et du décès de Amrani et Sana, tous deux tués sur le coup. Interpellé quelques heures après son forfait, Amrani passa rapidement aux aveux. Il se rétracta, par la suite, devant le magistrat instructeur argumentant une cabale montée contre lui. Il persista dans sa position tout au long de l'instruction du dossier et lors de son audition à la barre. Même la quinzaine de témoignages accablants avant, durant et après la tuerie, ne lui firent pas changer d'avis. Cette stratégie de défense ne lui sera d'aucun secours. Tout autant que la plaidoirie de ses deux avocats qui avaient tenté de semer le doute dans l'esprit des magistrats et des membres du juré. Ces derniers ont suivi le réquisitoire du représentant du ministère public qui a requis et obtenu la peine capitale.