Homme de combat et libre-penseur, très jeune il fera partie de cette race d'hommes qui a compris que si les peuples opprimés se libèrent souvent par les armes, ils ne se libèrent complètement que par la plume. A quatorze ans, il milite au PPA puis intègre l'OS à sa création. Arrêté le 2 novembre 1954, le jour de son 24e anniversaire, il sera le premier torturé de la révolution algérienne. Il sera transféré de prison en prison pour y purger trois ans ferme. Dès sa libération, il rejoint le maquis. A la suite d'un accrochage dans la région de Annaba, il fut grièvement blessé. Capturé, il est internés dans un camp de prisonnier à El Milia, son ardeur révolutionnaire et sa grande maîtrise de soi firent de lui une cible pour ses geôliers qui finirent par l'exécuter un 2 novembre 1960, il n'avait que 30 ans. Ce n'est qu'avec des hommes de cette trempe que novembre s'écrit avec un N majuscule. Novembre l'a vu naître. Novembre l'a vu combattre. Novembre l'a vu mourir. Mustapha Bekkouche n'a jamais cessé de combattre et même dans l'isolement assourdissant d'une geôle humide, il trouvait de quoi écrire et s'il n'y parvenait pas il regardait au-delà des murs et au-delà du béton pour donner de la liberté. En prison, la lutte signifiait pour lui l'écriture, la résistance, le savoir, le combat et la pensée. Presque tous ses écrits (un journal, des romans et des recueils de poésie) lui ont été confisqués par l'administration pénitentiaire. Quelques-uns ont survécu, dont un journal écrit à la prison du Coudiat à Constantine, il sera publié quarante ans plus tard grâce aux efforts de ses enfants. Ecrit au printemps 1955, ce Journal d'un oublié (titre du livre publié) traite de sujets et de thèmes des plus divers : la torture, le devoir, le temps, la liberté, le racisme, la nature humaine… Concernant la torture, il écrivit : «La torture est ignoble, mais c'est le prix à payer quand on sait qu'au bout il y a la liberté.» Nous tenons ici à rendre hommage au combat d'un homme, resté trop longtemps anonyme, pour rendre, à travers lui, un hommage à tous ceux qui ont lutté, qui ont souffert et qui sont morts pour l'idée d'une Algérie indépendante. On ne porte pas atteinte à la dignité et à l'histoire d'un peuple en évoquant les meilleurs de ses enfants. N'en déplaise aux partisans du slogan «Un seul héros le peuple», l'hommage rendu aux oubliés de la révolution ne peut que grandir ce peuple qu'ils ont servi. Exit ce slogan politicien qui mathématiquement parlant ne voudrait dire qu'une chose «un seul héros le peuple, donc un peuple de moutons sans héros». L'histoire réfute ce concept, les faits encore plus. Dans sa résistance à la négation de l'autre, le peuple algérien a eu ses héros. Le chahid Mustapha Bekkouche en fait assurément partie.