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Offrir les fleurs à l'algérienne
Publié dans El Watan le 27 - 05 - 2011

Allier traditions et romantisme dans notre pays ? Pas facile… Si l'ancienne génération se contentait d'offrir des fleurs, occasionnellement, pour les mariés, les malades à l'hôpital ou les nouvelles naissances, aujourd'hui, on le fait à tout-va et quand ça nous chante. C'est ce que confirme Rachid, fleuriste à Alger, Au coin fleuri, boutique héritée de son père. «La majorité de mes clients achètent des roses pour leurs dulcinées. Mais lorsqu'il s'agit de livraison, la mission s'avère délicate», précise-t-il. Et si le jeune fleuriste appréhende la livraison, quoi qu'il fasse partie des rares fleuristes à proposer ce service en Algérie, c'est parce qu'il en a vu de toutes les couleurs. «Lorsque je livre un bouquet de roses à une femme, ce qui est loin d'être discret, il m'arrive de tomber nez à nez avec son père ou son frère, et là, c'est gênant ! Si je ne subis pas un interrogatoire, c'est la destinataire qui devra s'expliquer avec les hommes de la maison. Parfois, c'est même cette dernière qui n'accepte pas les fleurs venant d'un inconnu, notamment lorsque le bouquet n'est pas accompagné d'une carte…»
Salima, jeune cadre dans une entreprise algérienne, avoue avoir déjà reçu un joli bouquet de roses blanches et rouges par livraison, mais «ce n'était pas de la part d'un Algérien. C'est un ami européen qui a eu cette délicate attention. Cela m'aurait fort étonné qu'un Algérien ait l'idée de le faire ! C'est une question de culture», ironise-t-elle. A 80 DA en hiver et en automne, la rose est cédée à 40 DA l'unité le reste de l'année, ce qui demeure cher pour Tahar, septuagénaire, tenant un kiosque à fleurs depuis quarante-neuf ans. «Les jeunes n'ont pas la tête à offrir des roses. Tout est cher dans ce pays. Les fleurs restent leur dernier souci. Quant à la livraison, je n'ai jamais proposé ce service, car cette pratique ne fait pas partie de nos mœurs !» se justifie Tahar. La livraison des bouquets de fleurs varie selon la distance : elle peut atteindre les 500 DA en plus du prix du bouquet. Rachid justifie le prix par le manque de roses sur le marché algérien, ainsi que l'emballage (papier cellophane, tulle, ruban…).
Tout est importé
«Tout est importé, même les outils servant à couper les roses !» nous explique-t-il. Quant à la fleur fétiche des consommateurs algériens, la rose rouge rafle la mise. Au printemps, les fleurs proviennent des pépinières locales de la ville des Roses, Blida, de Zéralda… En revanche, en hiver, ce sont des fleurs hollandaises, tunisiennes ou marocaines qui ornent les boutiques, faute d'investissement dans le secteur. «Je peux vous garantir que les fleuristes qui tiennent encore à cette profession le font par passion, car les gens n'investissent pas dans le secteur des plantes. Donc, ce n'est pas un commerce rentable», explique Mohand, fleuriste. Du côté de Farid, trentenaire, offrir des roses est une coutume ancrée dans la famille.
«Mon père a toujours acheté des roses pour ma mère. Celle-ci le fait, à son tour, pour décorer la maison, et moi je ne peux m'empêcher d'en offrir à mon épouse, en particulier pour m'excuser lorsque je la déçois. Mais je n'ai jamais su que la livraison des fleurs se faisait chez nous. En tout cas, offrir des fleurs ne peut que faire plaisir !» témoigne-t-il. Dans le cas de Hakima, offrir des roses n'est pas tout rose ! Cela rouvre en elle une grande blessure. Cette dame d'un âge avancé demande à Rachid, le fleuriste, de lui confectionner un petit bouquet de trois roses rouges. «C'est pour les poser sur la tombe de mon mari. C'est le troisième anniversaire de son décès», confie la veuve.


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