Voilà comment se sont mobilisés les membres de la communauté homosexuelle algérienne mercredi, à l'initiative des associations Alouen et Abu Nawas, pour fêter la 6e édition de la Journée nationale des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) algériens. «C'est un acte symbolique pour dire que nous, les homosexuels, sommes unis», explique l'un des membres, un jeune homme de 22 ans. Les associations veulent avant tout mettre fin à l'invisibilité de la communauté. «On souffre du manque de visibilité, il faut que les gens sachent qu'on existe et que nous acceptons le débat», insiste le jeune homme. Car les homosexuels sont confrontés à la violence de la société. «C'est de la haine pure et dure, et gratuite en plus, raconte-t-il. Le plus souvent, les gens ressortent l'argument de la religion, mais rien n'interdit l'amour entre deux personnes du même sexe. Sauf que nous n'avons pas les bagages suffisants pour contrer ces arguments.» Au quotidien, cette violence n'est pas accentuée et pour cause, les homosexuels vivent cachés. Car l'homosexualité est punie par les articles 333 et 338 du code pénal. Les actes sexuels entre deux personnes du même sexe sont passibles de 2000 à 30 000 DA d'amende et de 1 à 3 ans de prison. Entraide Dans les faits, ces articles sont très rarement appliqués, car l'Algérie s'attirerait les foudres des ONG internationales. «Ils utilisent l'atteinte à la pudeur pour punir les homosexuels», explique le jeune militant. Alouen tente d'y remédier en proposant un soutien psychologique, juridique et médical. Sauf que l'association ne compte parmi ses membres qu'un interne en médecine. Impossible d'aller voir un professionnel. «On a du mal à les approcher, on ne sait pas quelle est leur position éthique», explique le jeune membre. Pourtant, dans une enquête menée sur internet, Alouen a constaté qu'environ 75% des homosexuels algériens méconnaissent les risques liés au sida et aux infections sexuellement transmissibles (IST). Même problème pour les avocats et les psychologues. «On s'entraide entre nous», souffle le jeune homme. Et pour s'entraider, il y a le forum GLA (gays et lesbiennes en Algérie). Ses 146 membres y échangent beaucoup de conseils : comment réagir après un «coming-out» (annonce publique de son homosexualité), comment faire un dépistage du sida ou d'autres questions relatives à la vie quotidienne. Mais le forum est surtout l'un des rares endroits où discuter sans craindre de représailles, une «bulle d'air». «Internet a permis à la communauté homosexuelle de se connaître», admet une jeune femme, créatrice d'un magasine pour lesbienne sur internet (http://lexofanzine.jimdo.com/). Les sites internet, qui permettent l'anonymat, rompent l'isolement. «On vit une double vie, raconte la jeune femme. Je ne peux pas tout partager avec ma famille et mes amis parce que je sais d'avance qu'ils réagiront mal.» A moyen terme, les associations voudraient que le délit d'homosexualité disparaisse du code pénal afin que la communauté puisse vivre librement. Une petite révolution qui concernerait 10% de la population, selon elles.