Tiaret, capitale des Hauts Plateaux de l'Ouest algérien, mérite qu'on s'y arrête. Cette escale n'est pas banale tant ses atouts sont nombreux. Tiaret la pastorale déploie des paysages à en perdre le souffle, tandis que Tiaret l'historique relate le royaume de souverains berbères ensevelis dans les monuments funéraires gigantesques que sont les djeddars, alors que les grottes de Frenda ravivent le souvenir de leur prestigieux ermite Ibn Khaldoun, père de la sociologie. Tiaret c'est aussi et surtout le royaume du cheval, pur-sang arabe ou cheval barbe, monture noble et tant prisée par ces valeureux cavaliers que sont les habitants de cette région, héritiers des grands poètes du melhoun et des organisateurs des chevauchées fantastiques de la fantasia. Témoin vivant de notre histoire, le cheval constitue un élément incontournable de l'histoire et de la culture algériennes. Des tribus berbères de Syphax, Jugurtha et Massinissa à l'épopée de l'Emir Abdelkader, il a jonché l'histoire de notre pays, de batailles épiques menées contre l'envahisseur romain, turc, espagnol ou français. Redoutable instrument de guerre, outil de travail de la terre, moyen de transport et compagnon de loisirs, il était le pendant inséparable de l'homme. Considérée comme berceau du cheval barbe, la jumenterie, créée en 1877 par le ministère de la Guerre français, continue bon an mal an d'être cette vitrine dont se pare Tiaret. Depuis son érection, elle demeure un joyau qu'on ne se lasse pas de visiter. Les hôtes de marque n'ont pas manqué comme en témoigne son livre d'or. Les cavalcades et autres chevauchées restent des instants exceptionnels que seuls les photographes professionnels peuvent immortaliser. La prestance, l'élégance et la pureté des chevaux sortis des box donnent aux lieux toute leur raison d'être. Les techniques d'élevage y sont scrupuleusement respectées comme on a pu le constater par ce bel après-midi ensoleillé de janvier. Dans ce royaume du cheval, il y a de ces moments de fortes sensations. L'harmonie des couleurs y est. Les cours et les toits sont ocre rouge, de même que les allées et les bâtiments. Le vert des arbres et des pelouses forme le contraste et ceinture des paddocks superbement ordonnés. Dans ce sanctuaire, nous avons pris plaisir à assister à ce travail quotidien qu'accomplissent avec amour les travailleurs. Un jeune cavalier câline sa jument. La scène est émouvante et est une illustration de cet attachement, presque charnel, entre le cavalier et son compagnon. Dans le dédale des lieux, le haras maréchal-ferrant et le sellier-bourrelier s'activent, le vétérinaire revoie ses fiches, les portefaix distribuent la luzerne et le foin. A quelques bornes de là, le centre équestre fait l'objet de polémique car c'est l'heure d'élire un nouveau bureau pour l'association. Pour l'heure, les visites sont rares car, le plus souvent, elles sont initiées par les autorités quand un hôte de marque est de passage à Tiaret ou en visite officielle. Saïd aurait souhaité rendre plus attractive la jumenterie moyennant une modique somme d'argent. «Cela permettra la réfection des locaux, l'entretien des bêtes et dégager, pourquoi pas ? une plus-value», renchérit-il. Offrir un barbe, une spécialité de la maison La jumenterie a continué à produire pour les éleveurs locaux, les loisirs et le sport. Actuellement, elle a le statut de ferme pilote spécialisée dans l'élevage des races arabes, arabe barbe et barbe. Elle s'étend sur une superficie de 800 hectares et dispose de 400 têtes sur un parc équin national estimé à 8 000. Pour les naissances, 55 à 65 sujets sont comptabilisés annuellement et autant pour les ventes suivant enchères publiques. Depuis une dizaine d'années, la jumenterie a commencé à exporter vers l'étranger. «Jadid», parti au Brésil, est devenu champion de l'AMSUD. Des lignées célèbres verront le jour au Haras National de Tiaret. Elles sillonneront le monde à travers les sujets exportés dont nous citerons les plus célèbres : Cherifa et Guenina, juments offertes par Napoléon III au roi de Pologne et dont sont issues les lignées polonaises actuellement très prisées par les plus grands éleveurs mondiaux des chevaux arabes. La jumenterie Chaou-Chaoua de Tiaret reste à tout point de vue une référence en matière de reproduction de chevaux sur le plan national. Une référence parce que, tout simplement, la jumenterie a ses traditions et dispose de livres généalogiques que tout le monde recherche. Un pedigree que peu de haras se targuent d'en tenir depuis voilà plus de 136 ans. Parmi les chevaux barbes vendus ou proposés à des personnalités figurent «Wacel». Ce beau barbe a été offert à l'ex-président Français Valéry Giscard D'estain par feu Houari Boumediene en 1975. «Wacel» a une histoire et une association française d'éleveurs s'est créée pour en faire de la reproduction. «Kheir», offert par le président algérien Abdelaziz Bouteflika, en 2008, à Nicolas Sarkozy. «Kheir» fait aujourd'hui des spectacles, la monte publique et assure la reproduction. Dernièrement, François Hollande a reçu un poulain et une pouliche, «Sami» et «Sajda». «Si on considère l'élevage comme activité spécifique, qu'on lui invente un marché», dira, plein d'amertume, M. Abdelmoumène Saïd qui atténue, néanmoins, son propos en faisant savoir que «le ministère de l'Agriculture accorde une attention particulière à la filière équine puisque ce dossier constitue une priorité», et d'insister sur les dernières recommandations de l'OMCB (Organisation mondiale du cheval barbe) qui a tenu une rencontre le 14 décembre dernier à Alger, à savoir : «Préserver, développer et promouvoir l'arabe barbe». Cela passait par l'organisation de salons du cheval. Il y en a eu à Tiaret sept. Le dernier remonte à 2008. Sa non institutionnalisation n'a pas rendu de services ni à l'homme ni au cheval.