Lyon De notre correspondant Le plus algérien des rockeurs français, Rachid Taha, vient de publier son nouvel album, intitulé Zoom (éditions Naïve). Il continue, comme dans ses œuvres musicales, à transcender les genres, gardant sa voix rocailleuse qui s'adapte à tous les styles. Raï, électro, musique arabe, tout y passe, pour le plaisir de ses auditeurs qu'il déroute à chacune de ses productions. L'artiste, avec son premier groupe, Carte de séjour, avait révolutionné la tendre chanson de Charles Trenet, Douce France, dans sa bouche rebelle, les paroles faisaient figure d'étendard. En ces années gouailleuses, le chanteur se plaçait résolument dans une démarche active, alors que «La marche des Beurs» réclamait plus de justice pour les jeunes de l'immigration et leurs parents. Plus tard, il fit de la chanson de l'exil de Dahmane El Harrachi, Ya rayah, un tube mondial. Complètement stupéfiant !Il continue d'être un agitateur. Face à la montée de ce qu'il appelle «le fascisme vert», qui perturbe des révolutions arabes prometteuses, il ambitionne d'être le poil à gratter. Déjà, en 2007, il avait chanté Barra, barra. Presque le «irhal» (Dégage) de 2011. Dans l'hebdomadaire Marianne, il estime que le «printemps» a été parsemé «de mauvaises herbes». «C'est un printemps sans fleurs, sans roses». «Ma réponse, c'est un festival de rock arabe que j'organise à Paris en septembre, avec des groupes que je suis allé chercher en Arabie Saoudite, au Koweït, en Irak, en Libye, au Pakistan, en Afghanistan et au Maghreb. Ce sera mon printemps à moi». D'ailleurs, pour brouiller les pistes, dans son nouvel opus, il chante avec en incrustation, sans complexe, la voix de la diva Oum Keltoum, sans crainte du mélange détonnant avec son rock punk. Il a enregistré ses nouveaux tubes entre Paris et Londres, avec l'accompagnement de grands noms de la scène anglaise. Cela vaut notamment une version de Now or never, interprété en algérien, sur de suaves arrangements orientaux et une voix féminine qui répond aux sollicitations vocales du crooner, et les apaise quelque peu, en anglais. Une magnifique interprétation dont ne rougirait pas Elvis Presley. Dans Khalouni, il reste le révolté du début de sa carrière : «Je n'ai pas de passeport/Et pas de visa/Pas de carte bleue/Je n'ai rien/Je ne suis rien». En tout cas, trente ans après ses débuts, il reste bel et bien présent.