– Quelles conclusions tirez-vous d'une campane électorale marquée par des tensions et une violence verbale rare ? Vous devriez pardonner à l'avance mon parti pris en tant que partisane de Hillary Clinton, mais pour être franche, vous aurez du mal à trouver un analyse de la politique étrangère américaine qui n'en ait pas une. Les attaques au vitriol étaient unilatérales. Donald Trump a accusé Hillary Clinton de «femme méchante», il a insulté Barack Obama en l'a accusant d'être né hors du pays. La rhétorique et le projet du candidat républicain menacent de ramener l'Amérique vers les années 1950, à l'époque où la femme était à la maison et les races ne se mélangeaient pas. Il entretient la peur des hommes blancs qui pensent que leurs positions (sociales) sont «menacées». Les Américains pauvres souffrent en effet, mais dans les zones rurales, beaucoup de pauvres attribuent leur lutte pour plus de droits pour les minorités ethniques, que pour le fait que l'establishment politique américain, de chaque côté, a laissé pour compte. – Quelle est la vision de la politique étrangère de chaque candidat ? L'attitude quelque peu «néo-conservatrice» de Hillary Clinton à l'égard de la politique étrangère, en particulier ses tendances interventionnistes au Moyen-Orient, a été inquiétante pour les démocrates d'extrême gauche comme ceux qui ceux qui ont soutenu Bernie Sanders. Mais les opinions de Trump restent un mystère. Recroquevillé dans les platitudes au sujet de la grandeur américaine et ce dont disposent réellement les Etats-Unis, pour défendre et chercher à instaurer une politique de protectionnisme en matière économique et commercial ce qui va nuire sérieusement à l'économie américaine. Sur un autre plan, il s'est montré admirateur Vladimir Poutine. Cette admiration est évidemment inquiétante pour les Etats-Unis, car elle indique qu'il n'a pas beaucoup de respect pour la démocratie, mais aussi parce que la Russie a miné les intérêts de la politique étrangère américaine dans le monde, notamment en Syrie et à l'annexion de la Crimée. – Les deux candidats ont-ils une approche particulière pour la région Afrique du Nord ? Pour être honnête, les conseillers de Donald Trump, quels qu'ils soient, devront l'informer pour rattraper le retard en matière de connaissance de l'Afrique du Nord. Hillary Clinton a une expérience de secrétaire d'Etat et a visité plusieurs fois le Maghreb et a une bonne compréhension des enjeux de la région, qu'il s'agisse d'économie, de démocratisation, de réformes ou de terrorisme. Sa connaissance du Moyen-Orient surpasse celle de Trump. Aux Etats-Unis, les conseillers de la politique étrangère de la Maison-Blanche jouent un rôle extrêmement important dans la prise de décisions du Président et, bien sûr, la comparaison de la politique étrangère «naine» de Trump n'a pas lieu d'être. Parce qu'elle est aussi alarmiste que ses orientations politiques et idéologie. Le problème, c'est que Donald Trump a tellement tergiversé que les électeurs ne savent pas avec qui il s'entourera à la Maison-Blanche. – Quel est le meilleur candidat pour renforcer les relations avec l'Algérie ? L'islamophobie de Trump devrait inquiéter les gouvernements du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ne sont déjà pas en train d'atténuer la crise des réfugiés. Une présidence Trump va sans nul doute aggraver cette situation. Avec lui, ça va être pire. Une présidence Trump ne permettra guère aux Algériens de voyager aux Etats-Unis et je pense que le gouvernement américain a beaucoup investi pour valoriser les échanges entre citoyens américains et algériens dans le cadre des efforts de «soft power» et favoriser une meilleure amitié. La relation étroite d'Hillary Clinton avec la monarchie marocaine a irrité les Algériens. Cala ne devrait pas l'être parce que la politique étrangère américaine joue toutes les cartes diplomatiques. – Comment est perçue l'Algérie au sein du département d'Etat ? Veuillez noter que je ne suis pas porte-parole du département d'Etat. Mais dans l'establishment de la politique étrangère, plus largement, l'Algérie est perçue comme un partenaire à part, surtout parce que l'alliance est si souvent comparée à celle du Maroc et de la Tunisie. Le Maroc et la Tunisie n'ont pas de rente pétrolière et ont des expériences coloniales différentes, que le gouvernement américain comprend et sans doute apprécie. Alors que la position de l'Algérie est comprise comme étant axée sur la souveraineté et l'autonomie à la fois, l'idéologie nationale et la stratégie régionale, elle constitue néanmoins un défi aux Etats-Unis qui souhaitent un engagement plus profond avec l'Algérie, au-delà de la coopération militaire et notamment celle du renseignement.