La cérémonie du prix Goncourt, choix Algérie, édition 2020, a eu lieu samedi dernier par visioconférence, et ce à travers les 5 Instituts français répartis dans le pays. Ainsi, après plusieurs semaines de concertation et de réunion, un total de 108 jurés, parmi eux des étudiants, lycéens, abonnés des espaces médiathèque des Instituts Français d'Algérie ou encore les élèves de l'école El Bayan de Batna, ont voté pour Le ciel par-dessus le toit, le dernier roman de Natacha Appanah, paru aux éditions Gallimard (2019). A noter que ce même roman a également reçu le choix Goncourt Orient, décerné à Beyrouth, et qui regroupe au Liban 11 pays du Moyen-Orient. De Bordeaux, ville où elle habite Natacha Appanah, s'est adressé, en direct, à ses fans algériens, leur faisant part de son émotion d'avoir reçu le prix Goncourt, choix Algérie. «Je me rends compte combien la littérature est quelque chose de subjective. A mesure que la proclamation s'approchait, je me rendais compte de la chance que j'avais d'avoir été choisie. Il ne m'échappe que c'est un roman (nldr : Le ciel par-dessus le toi) bref, sur la pudeur, sur le silence, je vous en suis très reconnaissant», avait-elle déclaré avant de répondre aux questions de ses lecteurs répartis à travers les villes de Tlemcen, d'Oran, Alger, Constantine et Annaba. D'autres personnalités ont également répondu présent à cet événement, notamment le nouvel ambassadeur de France en Algérie François Gouyette, fraîchement installé, ou encore l'écrivain et membre de l'Académie Goncourt Pierre Assouline, à partir de Paris, et l'écrivain Kamel Daoud, qui était à Oran en qualité d'invité surprise. A ce propos, un échange intéressant s'est engagé entre ses deux écrivains, lorsque Kamel Daoud a demandé à Pierre Assouline s'il était vrai que le prix Goncourt «tuait souvent le romancier qui l'avait décroché». «Si le Goncourt tue, vous l'avez échappé belle», a répondu avec un brin d'humour Pierre Assouline, en faisant référence à Meursault contre-enquête, le roman de Kamel Daoud qui était à deux doigt d'obtenir le prix Goncourt en 2014. «Oui, le Goncourt peut tuer un romancier», finit par répondre, plus sérieusement, Pierre Assouline. «Je dois vous avouer que dans tous les registres des responsabilités quand on est membre du jury, on en a vis-à-vis des lecteurs (de ne pas leur faire lire un mauvais livre), des libraires (beaucoup de libraires, surtout cette année, comptent sur nous), mais on en a aussi vis-à-vis de l'auteur. D'abord, un auteur qui, pendant trois mois, est sur la liste du Goncourt, vit un peu dans l'angoisse, et y en a qui en souffrent. Mais on ne peut rien y faire : dès lors qu'on sélectionne, on exclut, c'est un principe. Mais quand on reçoit le prix Goncourt, quelle vie on a après ? Je sais qu'il y a de jeunes écrivains qui ont reçu le Goncourt pour leur premier roman, et qu'ils ne s'en sont jamais remis. En ce sens, ils ont été tués par le Goncourt. Vous allez me dire que c'est une mort enviable, car ça permet parfois de vendre 500 ou 600.000 exemplaires, de faire le tour du monde et d'être traduits dans 40 langues. Ça a été le cas d'énormément d'écrivains. Certes, ça peut être enviable, mais aussi, ça peut tuer.» Et de citer par la suite des exemples d'auteurs ayant reçus le prix Goncourt pour leur premier roman, à l'image de l'écrivain André Schwarz-Bart, auteur du livre à succès Le dernier des justes publié au Seuil à la fin des années 50. «Il était ouvrier, il avait un livre à écrire. Il l'a écrit et c'est un livre remarquable. Il n'a pratiquement plus écrit après. La question qui se pose : est-ce qu'il avait un seul bon livre à écrire ou est-ce que le Goncourt l'a stérilisé ? Moi, je crois que c'est un peu les deux !» Et de citer ensuite un autre exemple, celui de Jean Carrière : «Il a écrit dans les années 70 L'Epervier de Maheux. Ça s'est vendu à 1 million d'exemplaires. Un succès considérable ! Et bien, il ne pouvait plus écrire après. La seule chose qu'il a écrite, vingt ans après, c'est Le prix d'un Goncourt dans lequel il raconte pourquoi avoir obtenu ce prix l'a tué. Donc, notre philosophie, dans l'absolu, c'est qu'un romancier, s'il est trop jeune, risque de ne pas s'en remettre. Pour recevoir le Goncourt, il vaut mieux avoir des épaules solides. Jean Rouaud, quand il a eu le Goncourt pour Les champs d'honneur, il l'a eu pour son premier roman, mais il avait 40 ans. Il était kiosquier, boulevard de Flandre, à Paris. Ça a été un événement, avec plus de 500.000 exemplaires vendus. Mais il avait 40 ans ! Par contre, recevoir le Goncourt pour votre premier roman à 25 ans, c'est très dangereux. Cette responsabilité là, on y pense, on sait qu'on peut tuer un écrivain tout en le propulsant au plus haut.» Pour information, il faut savoir que le choix Goncourt à l'étranger est un événement initié en 1998 en Pologne. L'Algérie est le 14e pays à rejoindre cet événement littéraire majeur, et cela à l'initiative de l'Institut Français de Constantine. L'année dernière, le choix Goncourt Algérie s'est porté sur le livre Frères d'âme de David Diop (édition du Seuil) qui a parrainé l'événement de cette année. Natacha Apanah, elle, devra être la marraine de l'édition 2021 du choix Goncourt Algérie. Ont participé cet événement, le nouvel ambassadeur de France en Algérie François Gouyette, l'écrivain et membre de l'Académie Goncourt Pierre Assouline, à partir de Paris, et l'écrivain Kamel Daoud Advertisements