Le théâtre amateur a pris naissance à Saïda, grâce à des bénévoles inexpérimentés, bien avant l'indépendance, avec les scouts musulmans algériens. Il s'agissait pour ces comédiens, en l'absence de formation théâtrale, de se rabattre sur la présentation de sketchs, petite scène généralement comique destinée à divertir le public. On peut citer à titre d'exemple le sketch Tu goule ou tu goule pas, expression reprise et utilisée dans notre langue vernaculaire. Les saidis âgés se rappellent fort bien des regrettés comédiens : Belantri, Mir Mostefa et tant d'autres qui ont égayé les chaudes soirées à cette époque. Après l'indépendance, à la fin de l'année scolaire, il y avait toujours une pièce de théâtre en français jouée par les élèves du seul Cem (Albert Camus) à partir de l'année 1963, sous la conduite de coopérants français. Puis, ce sont des jeunes Saidis ; étudiants à Oran et à Alger, qui prennent le relais durant les vacances d'hiver, du printemps et des grandes vacances d'été. Hadjadj Belkacem et Bahloul Abdelkrim montèrent à la hâte des pièces de théâtre, à l'exemple de celles de l'auteur dramatique allemand Bertolt Brecht, Celui qui dit oui, celui qui dit non, des montages poétiques du poète turc Nazim Hikmet. Saida a participé pour la première fois en 1970 au festival d'art dramatique de Mostaganem avec la pièce intitulée A qui la faute ?, écrite et mise en scène par Hadjadj Belkacem et Bahloul Abdelkrim, tous deux sont actuellement des cinéastes bien connus. La pièce a été très bien appréciée, mais elle n'a pas été retenue pour le concours car elle a été écrite et jouée en français. En 1970, la troupe théâtrale Prolet Kult (culture populaire) a été créée, reprenant la dénomination de l'organisation artistique et littéraire de l'union soviétique de 1917 à 1925. Le regretté Othmani Mokhtar, dramaturge et écrivain a fourni un travail remarquable, bien que les moyens financiers furent très limités. Selon Dahmani Abdelkader, plus connu sous le sobriquet de Wato, un ancien comédien du prolet kult, «la troupe théâtrale Prolet Kult travaillait dans des conditions difficiles. On n'a jamais eu un local pour répéter. Nous étions des véritables nomades avec notre matériel disséminé dans les centres de jeunesse. On se déplaçait à travers les communes et villages et comme il n'y avait pas de salle de spectacles, on jouait en plein air en formant la halqa, un cercle sous la lumière de nos projecteurs, parfois on utilisait les phares du bus pour éclairer la place». L'expression d'une jeunesse La wilaya de Saida était très active. Elle a été choisie pour les travaux du séminaire des amateurs du théâtre qui s'est tenu dans la ville des eaux du 31 mars au 10 avril 1973. Lors de la tenue de ce regroupement, les responsables des troupes amateurs du théâtre présents à Saida ont été unanimes pour définir le théâtre amateur comme étant l'expression démocratique d'une jeunesse consciente des problèmes qui se posent à tous les niveaux. Faute de moyens financiers et de formation théâtrale et artistique, les troupes en question ont disparu. Seul le Prolet Kult a résisté contre vents et marées. Le professeur universitaire Ouardi Brahim, un féru du théâtre et ancien comédien du prolet kult nous parle de son expérience : «J'ai appris à aimer la pratique théâtrale en 77/78. J'ai joué dans la pièce El Moudja. C'était un théâtre amateur avec ses slogans. Nous étions des comédiens engagés avec l'animateur et dramaturge Othmani Mokhtar. La troupe était bien structurée. Il y avait une commission technique, une commission politique qui organisait les débats et une commission artistique qui prenait en charge l'art , le jeu et la distribution des rôles. L'écriture des pièces était collective. Les comédiens s'informaient et enquêtaient auprès des fellahs et des ouvriers et remettaient leurs travaux à Othmani qui se chargeait de l'écriture des pièces théâtrales. Le Prolet Kult s'exporte. Les comédiens lycéens qui venaient de décrocher leur bac se sont retrouvés à l'université d'Oran. Là, l'animateur et étudiant Ouardi Brahim, aidé par d'autres étudiants de Saida et d'autres d'Oran, créèrent en 1984 une troupe.» Après douze années de pratique théâtrale, la troupe Prolet Kult disparaît de la scène. Puis la mort a terrassé le dramaturge, metteur en scène et formateur Othmani Mokhtar, puis le comédien et metteur en scène Mostefai Mohamed. Le théâtre amateur venait de perdre deux grands artistes qui ont développé le quatrième art dans la ville des eaux. Actuellement, le théâtre amateur a disparu, supplanté par le théâtre régional de Saïda qui active depuis une dizaine d'années. Il n'existe pratiquement pas troupe amatrices. Il n'y a pas de locaux, très peu ou pas de subventions, manque de programmations... Une seule troupe de théâtre vivote au niveau de la maison de la culture. Le phénix renaîtra t-il de ses cendres ? L'avenir nous le dira. Advertisements