Championne olympique, elle a montré qu'elle n'était pas obligée de courir dans la vie comme dans un stade, droite et rectiligne comme un couloir de 1500 m. Double championne du monde, Hassiba Boulmerka a montré qu'elle pouvait aussi concourir dans des luttes locales d'influences, loin des joutes cosmopolites de l'olympisme. Après s'être bruyamment affichée aux côtés de Liamine Zeroual avec son célèbre et ambigu « c'est mon homme », la sportive s'est retrouvée avec Ali Benflis durant l'épique course électorale d'avril 2004 pour finir aujourd'hui par soutenir inconditionnellement Abdelaziz Bouteflika avec cette nouvelle révélation : « C'est mon ami. » Si un sportif a évidemment le droit de faire de la politique, il y a, au-delà du côté opportuniste de la transformation d'une belle victoire athlétique en pouvoir global, ce mystère de la corde, cette question du placement aérodynamique qui fait que l'ex-championne est toujours à proximité du podium de la décision ; comment fait Hassiba Boulmerka pour arriver à se placer à chaque fois dans la zone de souveraineté des chefs d'Etat avérés ou potentiels, à être amie personnelle des présidents et invariablement debout en lunettes noires dans le premier cercle d'influence ? Quand on connaît l'Algérie, ses cloisonnements multiples et ses nombreux filtres à huile qui empêchent les personnalités compétentes d'accéder au décideur, il y a là un talent certain, même si les détracteurs de l'actuelle cadre au ministère des Sports expliquent qu'elle est si rapide qu'elle peut rattraper les changements d'adresse, le temps qui file et le vent qui tourne. C'est une recette personnelle, la sauce Hassiba, à méditer longuement par tous ceux qui rêvent d'une place au soleil artificiel : courir très vite pour doubler les gardes du corps tout en ayant assez d'endurance pour leur expliquer qu'elle a eu raison de le faire.