L‘attentat qui a ciblé les chrétiens coptes la nuit du réveillon à Alexandrie a suscité l'émoi dans toute l'Egypte. Musulmans et chrétiens sont unanimes à condamner «un massacre qui a visé toute la société égyptienne toute entière». Pour le politologue Hassan Nafaâ de l'Université du Caire, l'attentat «porte la marque» de la nébuleuse Al Qaîda, à laquelle des éléments égyptiens ont participé. Il redoute que cet acte «n'attise les tensions entre chrétiens et musulmans, mais les élites sauront éviter un scénario à la libanaise», a-t-il estimé. -Qui est derrière l'attentat d'Alexandrie qui a ciblé l'église chrétienne orthodoxe la nuit du réveillon ? Si pour le moment aucune organisation n'a revendiqué cet attentat, je pense que l'agression porte la marque d'Al Qaîda. On ne sait pas encore s'il s'agit d'une voiture piégée ou d'un kamikaze, mais de toute manière le mode opératoire nous rappelle les attentats perpétrés par Al Qaîda dans la région du Moyen-orient. Il y a deux mois, des informations circulaient sur une menace terroriste de la branche irakienne d'Al Qaîda contre des coptes. Cependant, il faut attendre les résultats de l'enquête pour se faire une idée claire sur cette agression qui a ciblé les chrétiens coptes. Ce qui est certain, par contre, cet attentat révèle la faiblesse du régime à assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens. -Le président Moubarak a mis en cause «la main étrangère». Pensez-vous que des éléments égyptiens sont impliqués dans cet attentat ? Il est fort probable que des éléments locaux soient impliqués dans cet attentat, même si les services de sécurité égyptiens n'ont pas, jusqu'à présent, repéré des éléments égyptiens qui activent dans des organisations terroristes. Personnellement, je reste convaincu que des Egyptiens sont directement liés à la préparation et la perpétration de cette agression contre des chrétiens, car il ne peut y avoir d'action terroriste sur le territoire égyptien sans l'implication et la complicité d'éléments locaux. -Quelles seront les conséquences de cet attentat sur les relations entre chrétiens et musulmans ? Le conflit va-t-il s'exacerber ou bien cela va-t-il être une occasion pour cimenter les rangs ? Il y a lieu de souligner la montée des tensions inter-confessionnelles depuis quelques années entre des groupes des radicaux des deux bords qui trouvent leurs sources dans la manière avec laquelle le pouvoir gère la société égyptienne. Il est évident que l'attentat de vendredi aura un impact sur les rapports entre chrétiens et musulmans. Les coptes se sentent menacés en permanence, au-delà du fait que l'attentat qui les a ciblés soit l'œuvre d'une organisation étrangère. Le sentiment de la peur qui habite les coptes va sans doute attiser les tensions. L'attaque contre les coptes va renforcer davantage le sentiment de discrimination qui frappe cette communauté. Mais, par ailleurs, les élites politiques et intellectuelles des deux communautés religieuses sauront apaiser les esprits et ramener la paix. L'attentat est perçu comme une attaque qui vise l'unité nationale. Je dois dire que tous les Egyptiens — coptes et musulmans — se sentent concernés par l'attentat qui a ciblé l'église des Saints à Alexandrie. Même les groupes islamistes radicaux ont dénoncé l'acte, l'Organisation des Frères musulmans a également appelé à la protection des coptes et des églises. Et, pour exprimer la solidarité entière avec les chrétiens en cette douloureuse circonstance, tous les courants politiques égyptiens ont appelé à un rassemblement pour le vendredi prochain. -Certains redoutent que le scénario libanais de 1975 soit réédité en Egypte. Qu'en dites-vous ? Je ne le pense pas, c'est une hypothèse à écarter. Nous ne sommes pas dans la même configuration politique et confessionnelle qui pourrait déboucher sur un conflit inter-confessionnel. Aucune partie n'a intérêt ni le souhait d'aller vers un affrontement. La cohabitation entre musulmans et chrétiens est telle qu'il est quasi impossible d'imaginer un conflit, même si des accrochages éclatent à des intervalles réguliers. -Le pouvoir tentera-t-il de tirer profit de cette agression contre les coptes ? Sans doute que le régime va instrumentaliser ce malheureux événement pour tenter de fédérer autour de lui la société face à une menace extérieure. C'est une vieille technique qu'utilise le régime en l'absence d'une perspective politique sérieuse. On l'a remarqué dans le discours de Hosni Moubarak juste après l'attentat. Il privilégié l'approche sécuritaire comme solution à de sérieux problèmes qui sont d'ordre politique. C'est une occasion inespérée pour lui d'opérer un tour de vis politique. -C'est une opportunité aussi pour l'Occident, à sa tête les Etats-Unis d'Amérique, d'exercer plus de pression sur l'Egypte sous le prétexte de protéger la minorité chrétienne ? Absolument, c'est une carte de pression que l'Occident va tenter de jouer pour mettre plus de pression sur un régime qui est prêt à faire toutes les concessions pour peu que cela lui garantisse une pérennité.