A l'origine, le spectacle pour enfants El Houta oua ldjirane (littéralement la baleine et les voisins) ? dont la générale a été donnée samedi au théâtre Abdelkader Alloula, est un petit conte illustré de Michèle Poirier ayant pour titre Une baleine en péril. Mais Medjahri Missoum, auteur et metteur en scène de la pièce, s'est juste inspiré de l'idée pour la développer, l'enrichir et l'adapter au langage théâtral sans pour autant trahir la dimension magique du récit originel conçu pour transporter l'imaginaire des enfants dans un monde merveilleux.Résultat, l'adhésion du jeune public (mais pas seulement) a été totale dans une salle qui a affiché complet et beaucoup d'enfants accompagnés de leurs parents, même arrivés pile à l'heure, n'ont pas pu entrer. La pièce tranche pourtant quelque peu avec les intrigues traditionnelles conçues pour le jeune public et où le conflit entre le bien et le mal est toujours personnifié dans la peau de protagonistes identifiables. Ici, la morale est toujours sauve, mais le mal est une notion abstraite qui résiderait plutôt dans l'inaction face à la menace sur l'environnement. Les voisins, face à l'échouage d'une baleine sur leur rivage, sont petit à petit amenés à prendre conscience qu'ils doivent unir leurs forces pour éviter la pollution de leur plage et, ensuite, se rendant compte que l'animal est vivant, entreprendre des actions pour le sauver. Acte symbolique en faveur de la sauvegarde de la biodiversité qui en dit long sur les ambitions à caractère éducatif de la pièce qui ne se contente pas de prôner la morale du bien, mais d'aller plus loin en intégrant une prise de conscience sur l'importance de notre environnement. Pour le comédien Kesraoui Karim, qui interprète un des «voisins», et ayant déjà à son actif plusieurs contributions dans le théâtre pour adulte, «il n'est pas toujours aisé de capter l'attention des enfants, mais pour réussir, il faut tout simplement s'amuser avec eux.» Cette régression artistique vers l'enfance est la clé du succès démontrée à maintes reprises et les comédiens de la pièce s'en sont donné à cœur joie. Souligné par M. Ayouni, intervenant au nom du directeur du TRO lors de la réception organisée à l'occasion, les efforts de formation entrepris par le TRO semblent avoir donné des fruits. Le metteur en scène souligne la complicité entre les acteurs avant de revenir sur les conditions qui ont été à l'origine du montage de ce spectacle qui intègre musique, dance, dessin, clowns et jeux de marionnettes. Beaucoup d'accessoires pour mieux recréer l'univers enfantin et faire plonger les spectateurs au milieu de leurs propres référents. «J'ai juste pris l'idée du conte rédigé sur trois pages et qui, en fait, ne contient pas beaucoup de textes, mais des images, et j'ai proposé une extension et une adaptation au contexte local», confie M. Medjahri pour souligner indirectement le travail de création. Pour lui, «la différence fondamentale entre un spectacle pour adultes et un travail destiné aux enfants réside dans la dimension idéologique, car avec le jeune public, en plus des visées morales et éducatives, il faut toujours ramener le sujet au plus proche de ses préoccupations.» Dès le départ, il avait misé sur un encadrement technique de qualité. «Quand nous avons, poursuit-il, eu l'accord du TRO début juin dernier, nous avons rassemblé les idées de montage du spectacle en choisissant le staff technique.» Des contacts ont alors été pris avec un chorégraphe d'Alger, Djelloul Laid, et un scénographe, Gharmoul Ahmed en plus d'un compositeur de musique, Ziani Abderrahim, et d'un marionnettiste, Djamel Drider. Le spectacle a nécessité deux mois de travail avec les comédiens (Maâmar Mohamed, Chekak Safia, Belhocine Amina, Chetouki Djamel et Zaouche Bahria), dont certains font partie de son équipe (coopérative Ibn Sina). Le message essentiel véhiculé par le conte est respecté et M. Missoum a même imaginé un clin d'œil au personnage aux ballons magiques qui n'apparaît pas dans sa pièce, mais qui a été évoqué en off, à un moment de grande sérénité.