Des salariés qui ont vu leurs rémunérations rehaussées à coups d'incessantes requêtes sont restés, après coup, le bec dans l'eau sous l'effet de l'inflation. L'indice des prix à la consommation a connu une «forte hausse» de 9,4% durant les cinq premiers mois de 2012 par rapport à la même période de 2011. L'inflation fait à nouveau un pas de clerc. Une nouvelle note statistique de l'ONS, détaillant l'évolution de l'inflation en mai et en rythme annuel (mai 2011 - mai 2012), fait état d'une réelle poussée inflationniste qui met à rude épreuve l'économie et les ménages à la fois. Certaines catégories professionnelles, qui ont vu leurs rémunérations quelque peu rehaussées à coups d'incessantes requêtes, sont restées après coup le bec dans l'eau sous l'effet d'une hausse généralisée des prix. Selon la nouvelle publication de l'Office national des statistiques, le rythme d'inflation annuel en Algérie a accentué sa hausse durant le mois de mai dernier pour atteindre 6,9% contre 6,4% en avril. Dans le calcul de cette proportion sont pris en compte l'évolution des prix des produits alimentaires, dont l'augmentation était de 11,29%, et les variations des sous-produits découlant de ce groupe. La hausse la plus importante étant celle des produits agricoles frais avec, sur le tableau de bord, 18,04%, tandis que la hausse des prix des produits alimentaires industriels se situe à 5,63%. Les produits manufacturés ont également augmenté de 7,71% et les services de 5,58% en mai dernier par rapport au même mois de l'année écoulée.Pour ce qui est des indices du mois de mai écoulé, comparés au même mois de 2011, la hausse a touché tous les produits alimentaires, mais les augmentations les plus importantes ont concerné les produits agricoles frais, notamment la pomme de terre (37,49%), les légumes frais (12,42%) et les fruits frais (19,34%). Appelé par nos soins pour les besoins de commenter ce tableau de bord aux voyants vermeils, Mourad Ouchichi, enseignant d'économie à l'université de Béjaïa, estime que «la résurgence du phénomène d'inflation en Algérie n'est nullement une surprise ou un fait de hasard. Nous pensons même qu'il est supérieur au chiffre officiellement reconnu (6,9%) car les statistiques officielles n'incluent pas les hausses généralisées des prix sur le marché informel qui représente, selon diverses estimations, plus de 50% du PIB et mobilise plus de 40% de la masse monétaire». Faut-il rappeler dans la foulée que l'inflation s'exprime par une hausse généralisée des prix, mais aussi par une érosion caractérisée du pouvoir d'achat, «ces deux phénomènes ne sont que des symptômes. La maladie, elle, réside dans le déséquilibre entre la masse monétaire en circulation et sa contrepartie en biens et services». L'indice des prix à la consommation a connu une «forte hausse» de 9,4% durant les cinq premiers mois de 2012 par rapport à la même période en 2011. Les produits agricoles frais, qui ont connu la hausse la plus prononcée (20,20%), sont à l'origine directe de cette poussée inflationniste. De l'argent pour acheter la paix sociale Cependant, M. Ouchichi n'hésite pas de pousser le raisonnement un peu loin pour éclaircir des recoins statistiques qui n'ont pas été démystifiés par le rapport de l'ONS, répercuté hier par l'APS. Pour lui, «comme l'Algérie est un pays rentier et/où la rente pétrolière est utilisée comme moyen de conserver le pouvoir, les augmentations en série des salaires avec effet rétroactif et l'octroi à la pelle de crédits aux jeunes, soi-disant dans le cadre de la politique nationale de création d'emplois, étaient destinées à acheter la paix sociale. Mais l'inflation est devenue par conséquent inéluctable». En d'autres termes, «la source principale d'inflation reste l'Etat algérien qui injecte des sommes colossales d'argent sans contrepartie productive», fait remarquer M. Ouchichi. Les dernières hausses salariales ont coûté cher à l'Etat. La loi de finances 2012 a consacré 240 milliards de dinars pour la seule revalorisation du régime indemnitaire des travailleurs de l'éducation et 63 milliards de dinars pour la revalorisation des retraites. «Nous n'insistons jamais assez sur ce point : le problème de l'économie algérien est fondamentalement politique. Il réside dans le refus du régime en place d'entamer les réformes structurelles nécessaires pour mettre en place une économie régulée par le marché», nous explique M. Ouchichi, qui est également docteur en sciences politiques. Pourquoi les responsables en charge des questions économiques s'entêtent-ils à réformer l'économie ? «Les dirigeants savent que s'ils abandonnent l'économie au marché, ils ne contrôleront plus la société qui s'émanciperait à travers des corporations professionnelles autonomes. Alors entre-temps, ils tâtonnent et usent de la rente pour acheter la paix sociale. Résultat : une inflation structurelle permanente.» Qui est venue surtout reprendre d'une main les augmentations salariales offertes de l'autre main. Le pouvoir d'achat des ménages est à nouveau mis à rude épreuve.