L'ancien ministre de la Défense, le général-major à la retraite Khaled Nezzar, revient malgré lui au-devant de la scène judiciaire, à la faveur de la décision du Tribunal pénal fédéral (Suisse). Contacté, hier, par nos soins, l'ancien ministre de la Défense nationale (1990-1993) n'a pas souhaité commenter la décision de la justice helvétique. Lors de son audition les 20 et 21 octobre 2011, il avait assuré au procureur fédéral de «rester à la disposition de la justice suisse pour les besoins de l'instruction». Il s'est dit prêt à affronter un autre procès. Interpellé en Suisse où il s'était rendu pour des soins, Khaled Nezzar a été auditionné par le procureur fédéral Laurence Boillat, pour «crimes de guerre et violation des droits de l'homme», suite à une plainte déposée contre lui par le dénommé Ahcène Kerkadi, militant du FIS dissous. Durant son audition, M. Nezzar a été empêché de quitter le territoire suisse et son passeport lui a été «confisqué». Les mesures de suspension ont été levées au terme de l'audition. En rentrant à Alger, il a parlé d'une «conspiration qui vise l'ANP» à travers sa personne. Le procès-verbal de l'audition était une «occasion» pour remettre sur le tapis la gestion politique et militaire de la décennie noire. L'affaire a provoqué une levée de boucliers à Alger. L'ancien camp dit «éradicateur» s'est reconstitué pour défendre un des «siens» en lançant une pétition dénonçant «l'ingérence» et «une tentative de faire le procès de l'armée algérienne». D'autres Algériens avaient également lancé une contre-pétition revendiquant «le jugement de Nezzar et de ses acolytes». Le clivage «éradicateurs- réconciliateurs» refait-il surface ? «Au-delà de ma personne, c'est toute l'institution militaire qui est visée à travers cette affaire. On ne peut pas citer à comparaître toute l'armée. On incrimine donc celui qui la commandait», avait-il déclaré en novembre 2011, dans une interview au Soir d'Algérie, après son interpellation en Suisse. Chef de file des «janviéristes» et «éradicateur» assumé, Khaled Nezzar était l'un des chefs militaires algériens qui avaient décidé de l'interruption des élections législatives de 1992. «Sauveur de la République» pour les uns, «un des responsables de la décennie noire» pour les autres, dix-huit ans après son départ officiel de l'armée, M. Nezzar reste un élément-clé dans la crise qui a secoué l'Algérie post-Octobre 88. Ancien déserteur de l'armée française, il a gravé les échelons de la hiérarchie militaire en devenant en 1986 chef des forces terrestres. Une rampe de lancement pour les officiers supérieurs de l'armée. Chef opérationnel pour le maintien de l'ordre lors des événements d'Octobre 1988, avant d'être promu chef d'état-major de l'armée puis ministre de la Défense nationale en 1990, poste qu'il a occupé jusqu'à 1994. Après le départ forcé de Chadli Bendjedid de la présidence de la République, M. Nezzar a siégé dans le Haut-Comité d'Etat (HCE) sous la présidence de Boudiaf puis de Kafi. Il est le seul parmi le club très restreint des chefs militaires à être poursuivi en justice. D'abord à Paris en 2001 où il a été visé par une plainte portée, le 28 juin, par neufs Algériens pour «tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants». Le parquet de Paris a classé l'affaire sans suite en raison de «l'absence d'éléments graves ou concordants reposant sur le général Nezzar au regard de cette plainte». Les démêlés judiciaires ne s'arrêtent pas là pour celui qui était le «tout-puissant» ministre de la Défense. Dix ans après, cet officier supérieur le plus controversé de l'institution militaire risque de voir à nouveau s'ouvrir devant lui les portes d'un nouveau procès.