«Sonatrach est un excellent client de la Chambre internationale du commerce.» Au cœur de nombreux scandales, la compagnie nationale des hydrocarbures subit de nouveau le feu des critiques. Si par le passé, Sonatrach a été vivement tancée pour le choix de ses fournisseurs, c'est les conseils dont elle s'entoure que l'on reproche aujourd'hui à l'entreprise. Un choix qui cause à la compagnie et à l'Algérie des pertes considérables. Le ton a été donné, hier, par les participants à une journée sur «Les dispositifs privés de règlement des litiges dans les relations commerciales», organisée par le Forum des chefs d'entreprises (FCE). C'est d'ailleurs le directeur général de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), Mohamed Chami, qui a ouvert le bal en mettant en avant le fait que «Sonatrach soit un excellent client de la Chambre internationale de commerce (CCI)» et, par ricochet, de la Cour internationale d'arbitrage. Et d'ajouter, quelque peu taquin, que ce n'est pas pour autant «une bonne chose». Et que si cela peut renseigner d'une chose, c'est qu'il faut se pencher et se concentrer sur l'élaboration des contrats. Une ouverture qui a permis à Me Farid Benbelkacem, avocat et membre du centre de conciliation, de médiation et d'arbitrage de la CACI, d'abonder, au cours de sa présentation, dans le même sens. Plus virulent, l'avocat indique ne pas comprendre la propension de Sonatrach en particulier à ne s'entourer que de bureaux conseils étrangers. Il a précisé dans ce sens que jusqu'à 2010, Sonatrach avait une cinquantaine d'arbitrages auxquels les cabinets conseils algériens n'ont jamais été associés. Entre 2010 et 2012, précise-t-il encore, une douzaine d'arbitrages ont été introduits à la CCI, chiffre qui ne reflète pas le nombre réel d'arbitrages internationaux vu que Sonatrach, explique-t-il, a commencé à diversifier ses arbitrages.L'orateur estime que c'est Sonatrach qui a le plus contribué au développement de la CCI. Bien qu'il s'agisse, au cours de ces procédures, de sauvegarder des deniers publics, ajoute-t-il, la compagnie nationale a toujours eu recours à des conseils et avocats étrangers, notamment américains et français, «qui se sont formés sur le dos de Sonatrach». Cela ne concerne pas Sonatrach en particulier, mais il semble être systématique de recourir aux mêmes conseils internationaux. L'avocat précise, dans ce sens, que le cabinet choisi, après appel d'offres, pour faire l'évaluation de Djezzy pour le compte du ministère des Finances est «comme par hasard le même qui travaille souvent avec Sonatrach». S'il estime que les conseils internationaux ont certainement fait de bonnes choses pour l'Algérie, l'orateur pense que d'autres questions ont été prises en charge selon leur vision des choses et cela n'a forcément pas servi les intérêts de l'Algérie. Me Benbelkacem ajoute que si l'arbitrage international a, au départ, été imposé à l'Algérie par les partenaires étrangers, les arbitres ne lui ont jamais été imposés. Ce moyen alternatif de règlement des litiges présente l'avantage, en effet, de donner la possibilité aux parties en conflit de choisir les arbitres, le droit applicable, la langue d'arbitrage ainsi que le siège de l'arbitrage. L'avocat se demande ainsi ce qui empêchait Sonatrach de recourir à des arbitres algériens disposant de compétences nécessaires pour plaider sa cause. En plus de ne rien coûter à l'entreprise, cela contribuerait, selon lui, à la formation d'arbitres de valeur et à la constitution d'une véritable task force. L'orateur met ainsi en cause la propension des décideurs algériens à prendre seuls des décisions sans consulter au préalable. Il affirme ainsi que l'Algérie prend souvent des décisions qui vont à l'encontre de ses intérêts, preuve en est le litige ayant opposé Anadarko et Sonatrach né d'une modification de la législation laquelle n'a pas pris en compte le principe de non rétroactivité des lois. De même qu'il critique la manie des entreprises algériennes en général de rédiger les contrats commerciaux sans s'entourer au préalable des conseils nécessaires et en se concentrant uniquement sur les questions liées aux délais et aux prix. Celles-ci laissent d'ailleurs toute latitude au partenaire étranger de rédiger à sa convenance les clauses liées au règlement des litiges. Ce que les entreprises payent souvent très cher dans la mesure où les frais préliminaires pour un petit arbitrage à la CCI se chiffrent à 35 000 dollars. De son côté, le président du comité Algérie de la CCI a précisé, au cours de la même rencontre, que le centre d'arbitrage de la CACI pourrait prendre en charge les petits arbitrages de Sonatrach, tandis que les gros montants devraient rester du ressort de la CCI. Des propos qui reflètent certainement l'intérêt qu'a la CCI de ne pas perdre un aussi bon client que Sonatrach. D'ailleurs, le président de la CCI a effectué, à l'invitation de la compagnie pétrolière, une visite à Alger la semaine dernière au cours de laquelle il a rencontré des membres du gouvernement, histoire de faire durer la lune de miel…