Que se passe-t-il en Ukraine qui puisse capter l'attention internationale, ou plus franchement de certains pays ? Des manifestations, encore des manifestations, certainement les plus grandes dans ce pays qui en a connu durant ces dernières années. Mais encore une forte contestation qui ne s'est pas arrêtée aux portes du pouvoir, mais bien à l'intérieur de ses symboles comme le Parlement ou le siège du gouvernement. Un coup d'Etat, déclare-t-on à Kiev. Faux, déclarent les manifestants, qui exigeaient pourtant «le vote d'un texte sur le départ du gouvernement, ce que le Parlement a fait, sauf que la motion de défiance a été rejetée. Et ensuite de soumettre au vote la libération de l'opposante Ioulia Timochenko et de trois militants arrêtés illégalement». Ce qu'il avait déjà fait, il y a quelques jours. Mais pourquoi toutes ces manifestations ? Ianoukovitch est une figure connue de la scène politique ukrainienne. Il n'a jamais caché ni ses idées ni ses amitiés et c'est sur cette base qu'il a été élu chef de l'Etat en remplacement de Viktor Iouchtchenko, une vieille connaissance puisque les deux hommes se sont sévèrement opposés jusqu'à l'affrontement par rue interposée. C'était le temps des révolutions qui ont soufflé et même très fortement sur les Républiques issues de l'ancienne Union soviétique. L'Ukraine a eu quant à elle sa Révolution orange en 2004, ponctuée par la chute de l'ancien régime dirigé par Viktor Ianoukovitch, redevenu Président moins d'une dizaine d'années plus tard dans un contexte marqué par les graves divisions dans le camp adverse. Des révolutions qui marquaient la fin de la guerre froide, alors que les spécialistes redoutaient le début d'une autre, avec une recomposition qui ne laissait pas indifférents. A ce sujet, l'ancien chef de l'Etat russe déclarait bien que la Russie entrerait un jour dans l'OTAN, une organisation devenue proche de ce pays. Tout le monde sait que Boris Eltsine ne pensait pas ce qu'il disait alors, mais le message, lourd de significations, est bien passé. Que se passe-t-il alors qui puisse mobiliser autant les Ukrainiens, décidés à mettre fin à ce qu'ils appellent un «gouvernement de bandits» qu'ils accusent d'avoir «trahi le peuple» ? Plus précisément, quel rapport y déceler entre les accusations d'atteinte à la démocratie et le refus du gouvernement ukrainien de signer l'accord d'association liant son pays à l'Union européenne ? Le 21 novembre, le gouvernement ukrainien renonce à la signature de l'accord en question, à une semaine de sa signature prévue à Vilnius. Quant aux raisons, il y en a une pour les uns, mais plusieurs pour les autres. Le président ukrainien, qui s'est envolé hier pour la Chine avant de se rendre en Russie, a justifié lundi sa décision en expliquant que ce texte avait pour but de «rabaisser l'Ukraine». Les Européens, rappelle-t-on, posaient des conditions, entre autres le transfert pour soins en Allemagne de l'ex-Premier ministre Ioulia Timochenko, condamnée en 2011 à une peine de sept ans d'emprisonnement pour abus de pouvoir. Ce qui a été rejeté par le Parlement, ainsi que tous les projets de loi visant au transfert de l'opposante. Dès 2012 déjà, les dirigeants européens conditionnaient la signature des accords de libre-échange et d'association conclus cette année-là aux changements auxquels l'Ukraine devait, selon eux, procéder dans le domaine de la justice, le point majeur contesté étant «la primauté du droit ukrainien», et du système électoral. D'autres points sont évoqués, sinon suggérés. Comme ces pressions qui seraient exercées par la Russie, sauf que des réactions de l'étranger ont relayé de telles accusations et les ont amplifiées, y intégrant d'autres pays. Nouvelle guerre froide, alors ?