En tant que projet, l'autoroute Est-Ouest a dépassé sa date de péremption ; elle empeste la corruption, l'incompétence et met à rude épreuve les nerfs des Algériens. En cela, elle ressemble beaucoup au troisième mandat présidentiel ; un mandat de trop dont le point d'orgue est incontestablement cette absence du Président depuis neuf mois pour cause d'incapacité physique. L'effondrement, mercredi, d'un pan du tunnel de Djebel El Ouahch, sur les hauteurs de Constantine, a rappelé à la mémoire collective bien des sentiments que nous voulons refouler. Car les Algériens ont fini par faire leur deuil de cette autoroute comme ils ont cessé depuis longtemps de croire aux fausses promesses du gouvernement et aux mensonges de Amar Ghoul. Et même si ce dernier a fini par libérer le premier bureau du ministère des Travaux publics, le fiasco du «projet du siècle» lui collera à la peau, à jamais. La déception nationale, rouverte comme une blessure par les graves incidents de Constantine, s'explique par l'explosion du coût initial qui a atteint 11 milliards de dollars ; facture officielle non encore arrêtée et qui comprend bien entendu le bakchich astronomique parti dans les poches des corrompus. Elle est aussi justifiée par ces délais ouverts sur l'infini et que personnes n'a pu maîtriser. La dernière annonce gouvernementale prévoit la réception en 2015 des derniers tronçons. Le projet aura totalisé neuf ans ! Un record mondial qui n'a d'égal que cette autre performance du kilomètre le plus cher au monde. Si à l'est du pays, les japonais de Cojaal ont failli à leurs engagements contractuels, au Centre et à l'Ouest, les chinois de Citic-CRCC ont triché sur la qualité des travaux ; un impair dont les conséquences fâcheuses sont péniblement ressenties par les automobilistes qui empruntent le tronçon de Bouira. Quant à la partie qui traverse la wilaya d' El Tarf, les travaux n'ont jamais démarré ! Derrière l'échec technique des entreprises étrangères, se manifeste toute l'inconsistance du management algérien. Des études géophysiques imparfaites au suivi négligent en passant par le choix même des entreprises, l'incompétence a souvent croisé des raisons politiques obscures. Le tout opposé à l'intérêt national. Le scenario tourne aujourd'hui au tragicomique. Habitué au cynisme, le gouvernement, pourtant impuissant, allonge ses discours sans scrupules sur «la normalité» de la situation, comme vient de le faire, à partir de Constantine, le nouveau ministre des Travaux publics, Farouk Chiali. Si normalité il y avait, non seulement Amar Ghoul mais tous les gouvernements successifs depuis 2006 auraient dû démissionner et demander pardon aux Algériens.