En mettant la pression sur la commission parlementaire chargée de soumettre la mouture finale du projet de loi à la plénière de l'APN, le gouvernement a verrouillé d'avance les débats. Pour faire passer sa loi sur l'audiovisuel, le gouvernement joue son va-tout. Tous les moyens sont bons, y compris une visite «inopinée» de Abdelkader Messahel dans les bureaux de Mohamed Larbi Ould Khelifa, président de la Chambre basse du Parlement. Le gouvernement ne veut rien lâcher. Alors que l'avant-projet de la loi sur l'audiovisuel était soumis à débat depuis plus de deux mois dans la commission culture et communication de l'APN, les services du ministre de la Communication veillaient au grain. Des pressions de tous genres seraient exercées sur des députés en vue, notamment, d'imposer la logique du gouvernement qui ne veut autoriser que des chaînes thématiques privées. Mais cela ne passe pas et les membres de la commission parlementaire finissent, dans un premier temps, par adopter une mouture finale à soumettre à la plénière. C'était le lundi 30 décembre. «Nous avions adopté le texte avec une proposition d'amendement qui annulait l'obligation de création de chaînes thématiques», témoigne Ghani Boudebouz de l'Alliance de l'Algérie verte. Coup de théâtre. Les membres de la commission reçoivent des convocations pour une nouvelle réunion prévue le 2 janvier. Mais à la surprise générale, il n'y avait personne. Ou presque. Les quelques députés qui se sont présentés apprennent que la présidente de la commission, le députée RND de Biskra, Houda Souiki, était en réunion avec le président de l'APN, Mohamed Larbi Ould Khelifa et le ministre de la Communication, Abdelkader Messahel, venu en personne dissuader la commission de retenir cet encombrant amendement. Comble de l'ironie, c'est par le biais d'un appel téléphonique que les membres de la commission communication apprennent, dans l'après-midi de jeudi, que l'amendement a été retiré. «Moi-même, membre de la commission, je n'ai pas vu le texte amendé», témoigne encore Ghani Boudebouz qui met en cause l'ingérence de l'Exécutif dans le travail parlementaire. «Amendement supprimé dans le bureau de Ould Khelifa» «Nous avons effectivement retiré l'amendement de l'article 17» qui interdit la création de chaînes généralistes, concède Houda Souiki, présidente de la commission communication, contactée par téléphone. Mais la députée de Biskra réfute toute pression de l'Exécutif. «Nous n'avons subi aucune pression. Nous avons retiré l'amendement parce qu'il n'est pas en conformité avec l'article 63 de la loi organique sur l'information», indique-t-elle. Pourtant, dans ce fameux article 63, rien n'interdit la création de chaînes généralistes. «La création de tout service thématique de communication audiovisuelle, la distribution par câble d'émissions radiophoniques sonores ou télévisuelles ainsi que l'utilisation des fréquences radioélectriques sont soumises à autorisation attribuée par décret. Cette autorisation implique la conclusion d'une convention entre l'Autorité de régulation de l'audiovisuel et le bénéficiaire de l'autorisation. Cet usage constitue un mode d'occupation privatif du domaine public de l'Etat», dit l'article. Ni plus ni moins. Qu'est-ce qui pousse donc le gouvernement à s'acharner sur un seul article de la loi ? Visiblement, le ministère de la Communication ne veut pas d'une vraie ouverture du champ audiovisuel. En témoigne cette référence à l'interdiction de création de chaînes généralistes. «C'est au gouvernement de créer, dans le cadre du service public, des chaînes thématiques. Cela n'intéresse pas forcément les opérateurs privés», indique le député d'Alger, Ghani Boudebouz. Le projet de la loi sur l'audiovisuel sera en tout cas soumis à débat à partir de mardi prochain. Les échanges entre les parlementaires et le représentant du gouvernement risquent d'être animés. Mais il ne faut surtout pas s'attendre à une révolution au sein de l'hémicycle Zighout Youcef. A moins d'un miracle, le texte présenté par le gouvernement va être adopté. Les députés de la majorité n'ont pas l'habitude de s'opposer. C'est leur rôle de lever la main.