Il y a quelques mois seulement, sa tête était presque mise à prix en France. On lui a mené une guerre psychologique insupportable. Comme une litanie, on lui rappelait par de gros titres et de petites affiches qu'il cumulait 1222 minutes sans avoir marqué le moindre but. On zoomait sur ses lèvres qui ne bougeaient pas au moment de chanter La Marseillaise. Certains avaient même proposé de le dégager de la sélection tricolore. Dans les gradins, il est sifflé à volonté. Intenable. Karim Benzema a terriblement souffert.«En gros, si je marque, je suis Français, mais si je ne marque pas ou qu'il y a des problèmes, je suis Arabe», réagissait-il, résigné. L'attaquant du Real est clairement le mal-aimé pour beaucoup de Français. Comme son illustre aîné Zinedine Zidane, ses origines algériennes sont convoquées aussitôt après une contreperformance. Comme Zizou contre le Brésil, Karim a fait gagner la France dimanche soir face au Honduras. Il a tout fait dans ce match, certes contre un modeste adversaire : un doublé et une participation au troisième but. La totale, quoi ! Et hop, Benzema redevient français, ou presque. Le quotidien L'Equipe affichait hier en gros caractères : «Karhymne à la joie». Il y a tout dans ce titre qui résume parfaitement l'état d'esprit en France face à ce joueur sujet à polémique. Quand il excelle il est porté aux nues, quand il passe à côté, il redevient… Algérien. En France, c'est comme ça et ça ne changera pas. Que Benzema profite donc de son moment de gloire et de ce cessez-le-feu en attendant que l'artillerie médiatique et le cocorico reprennent du service à la prochaine baisse de forme. A sa décharge, Didier Deschamps a toujours cru en lui, même quand Karim est lâché et lynché de tous. Faut espérer que le «Bleu» devienne définitivement vert (mûr) aux yeux de ses compatriotes. J'aimerai aussi écrire un mot sur Lionel Messi, qui a donné des migraines à ses millions d'admirateurs au mythique Maracaña. Face à la brave sélection bosnienne pourtant cueillie à froid par un but contre son camp, la superstar du Barçà et de l'Albiceleste a presque tout gâché. Passes approximatives, dribles ratés, combinaisons non concluantes avec ses partenaires… Léo était l'ombre de lui-même bien que son explosivité soit là.Stupeur dans le joyau Maracaña qui attendait Messi comme une couronne pour sertir un décor fantastique. La délivrance vint heureusement à la 65' quand Léo, dans un sursaut d'orgueil rageur, s'en alla balle au pied depuis la ligne médiane avec ses dribles chaloupés, faire un numéro digne des innombrables exploits techniques qu'on lui connaît. Un but de toute beauté, pour lequel Messi a rugi comme un lion affamé face aux caméras du monde. Une façon de dire : je suis là, je ne vais pas me rater cette fois. Et c'est toute la planète foot qui poussa un soupir de soulagement de voir Messi entrer de plain-pied dans ce Mondial. Dans son Mondial.