De nature d'habitude discrète, il n'a pas hésité à sortir de l'ombre pour mener personnellement une campagne de soutien au sein du patronat et organiser une levée de fonds pour le financement de la campagne électorale du candidat Bouteflika. Il est incontournable. Que ce soit dans le BTPH, son domaine de prédilection, les médias ainsi que dans le sport, Ali Haddad veut jouer les premiers rôles. Percée fulgurante que celle de ce fils d'épicier d'Azzefoun (wilaya de Tizi Ouzou) devenu un magnat du BTP comme aiment le répéter les biographies agréées par le businessman. Petit homme, au premier abord affable, discret, presque timide, il est aujourd'hui à la tête d'un conglomérat employant 10 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires annuel affichant, en 2009, plus de 500 millions d'euros. Ali Haddad se permet de marcher sur les plates-bandes du groupe Cosider. Si les filiales du groupe ETRHB s'étendent aux bitumes et au pétrole Haddad, la maîtrise d'œuvre Berhto, Housing construction, Tourisme et hôtellerie, Savem et l'établissement Toyota Haddad, le businessman a étendu son influence à d'autres secteurs comme les hydrocarbures. ETRHB est l'une des seules entreprises privées algériennes à avoir été préqualifiées par Alnaft pour prendre part à un appel d'offres pour l'exploration. Le sport fait aussi partie du portefeuille d'investissements de Ali Haddad. Il est l'heureux propriétaire du club de football USMA. Les médias aussi ont été investis par le capital ETRHB, via la création de deux quotidiens nationaux en arabe et en français, ainsi que deux chaînes de télévisions Dzaïr et Dzaïr news, en clair sur les satellites Nilesat et Hotbird. Sans oublier Wiam TV, qui n'a pas hésité durant la campagne pour la présidentielle d'avril à matraquer à longueur de journée une propagande tendancieuse en faveur du président-candidat. Celui qui peut compter sur l'appui d'ami très haut placés – on évoque une grande proximité avec le frère du président de la République – est à l'apogée et à l'orée de tous les gros marchés de travaux. De nature d'habitude discrète, il n'a pas hésité à sortir de l'ombre pour mener personnellement une campagne de soutien au sein du patronat et organiser une levée de fonds pour le financement de la campagne électorale du candidat Bouteflika. Celui qui, de prime abord, a pris goût au pouvoir semble vouloir aujourd'hui peser de son poids sur les centres de décision et capitaliser ainsi sur son soutien indéfectible au clan présidentiel. Ses détracteurs lui prêtent ainsi une certaine influence et un lobbying actif pour certaines nominations dans la haute administration. Or, ayant pris la décision de sortir de l'ombre, Ali Haddad s'expose au regard de l'opinion publique. Cette percée, qu'il veut belle, est au centre d'interrogations. Nombreux sont ceux qui se demandent comment devient-on un Ali Haddad. Il suffit de bien savoir renvoyer l'ascenseur et entretenir ses amitiés, affirme de but en blanc un observateur du milieu d'affaires algérien. Une évidence ? Fallait-il encore, pour ce cadet d'une fratrie de six frères, éviter de se ghettoïser dans les quelques activités touristiques lancées en famille. Celui qui a obtenu son diplôme de génie civil à l'université de Tizi Ouzou, décide ainsi de créer, en 1988, sa petite entreprise de BTP. Jeu d'alliances Les contours de la période l'ayant mené de la réalisation d'un petit tronçon de route à Azzefoun à la fin des années 1980 jusqu'au milieu des années 2000, au moment où le chiffre d'affaires du groupe a doublé entre 2005 et 2006 pour passer la barre des 100 millions d'euros, restent encore flous. Les témoignages divergent à ce propos. Si certains lui prêtent un pragmatisme certain et un savoir-faire pour ce qui est de soigner les envies des fonctionnaires locaux et des donneurs d'ordres afin de s'imposer, d'autres mettent en avant le peu de scrupules qu'il a eu à se créer des liens qui comptent par tous les moyens possibles et inimaginables. Bien qu'il soit issu d'une famille nombreuse, besogneuse et solidaire, cela ne suffit pas à servir l'ambition dévorante du jeune Ali. Celui-ci s'est d'abord attribué un lien de parenté, bien qu'inexistant, avec le général Touati, pour s'imposer comme personnalité incontournable au niveau local. Il contractera alliance par la suite avec l'ex-wali de Tizi Ouzou. L'entrée à Alger, comme le prétendent des témoignages, se fera par le truchement de responsables de certains partis de l'opposition lui ayant ouvert les portes de quelques ministères, dont celui des Travaux publics. Rien n'a filtré, cependant, sur la manière avec laquelle, au milieu des années 2000, Haddad a réussi à se rapprocher du clan au pouvoir. Certains tentent cependant d'expliquer que c'est l'apparente docilité de l'homme et sa propension à bien renvoyer l'ascenseur qui aurait incité les décideurs à venir le chercher pour être un parfait prête-nom, un produit fini comme ils le nomment. D'autres se hasardent à une explication plus complexe, moins évidente, mais toujours possible ; celle du ticket d'entrée vers une région farouche comme la Kabylie, où l'homme d'affaires s'est bien ancré. Quoi qu'il en soit, depuis ce tournant, c'est une voie lactée qui s'est ouverte au devant du développement des activités d'Ali Haddad. Il bénéficie de plans de charge extrêmement importants dans le cadre de la commande publique aussi bien dans les travaux publics que dans le bâtiment et la construction. En 2008, il évoquait déjà dans la presse un plan de charge de 150 milliards de dinars. Les chiffres varient aujourd'hui quant à son plan de charge actuel : entre 2 et 3 milliards de dollars. Le magazine Jeune Afrique évoque quant à lui un plan de charge de 1,9 milliard de dollars. Grâce à cela, le groupe ETRHB a bénéficié de lignes de crédit lui ayant permis d'acquérir le parc roulant et d'engins de travaux publics le plus important du pays. Des témoignages évoquent l'acquisition de pas moins de 5000 engins en 5 ou 6 ans. Un avantage certain pour toute entreprise de BTPH qui souhaite soumissionner à un appel d'offres et qui peut ainsi tirer un avantage comparatif en matière de prix et de qualifications techniques. En 2006, l'ETRHB Haddad a acquis l'EPE Elirowa, sise à l'intérieur du port d'Alger, spécialisée dans le stockage et la distribution des liants routiers, lui permettant ainsi, grâce à l'apport de bitume importé, de devenir deuxième opérateur de distribution de bitume après Naftal. Et c'est en 2009 que l'ETRHB reçoit un véritable cadeau : l'autorisation de lever un emprunt obligataire de 6 milliards de dinars avec un taux limite de 4,5%, tandis que la Sonelgaz lançait son emprunt obligataire à un taux progressif atteignant, à la sixième année, 6,5%. Des fonds qui ont d'ailleurs permis d'étendre les activités d'un groupe qui, aujourd'hui, compte la production d'agrégats et d'enrobés, la fabrication de tuyaux et de ferroviaires dans son portefeuille. Bien qu'il lui en déplaise et bien qu'Ali Haddad ait eu, par le passé, à se défendre de tout soutien de la part d'amis hauts placés, il devra bien concéder que son parcours est très loin d'être ordinaire.