Le bon sens a prévalu au Burkina Faso, même si, devrait-on dire, il a fallu le chercher, et surtout trouver les bons arguments. Et de ce point de vue, le Fonds monétaire international (FMI) a très certainement fait la sortie la moins attendue en se mêlant – chose rare – de politique pour avoir lui aussi appelé au retour des civils au pouvoir et utilisé l'argument massue, celui de son aide financière. Les Etats-Unis également voulaient «un retour immédiat» au pouvoir civil, tandis que l'Union Africaine (UA) avait adressé aux nouvelles autorités un ultimatum. L'organisation africaine, excédée par tant de régimes anticonstitutionnels et liée par sa décision, adoptée au sommet d'Alger en 1999, d'exclure de ses rangs les régimes issus de coups d'Etat, avait alors donné quinze jours pour un transfert de pouvoir. De ce point de vue, ni l'UA ni l'Amérique n'ont eu gain de cause, parce que Compaoré ne reviendra pas au pouvoir d'où il a été chassé le 31 octobre dernier, mais aucun civil ne lui a succédé dans ce que l'on considère l'ordre constitutionnel, soit une élection présidentielle. Mais il y a tout de même une prouesse politique à ce point rare en Afrique, et même inédite, que l'UA l'a accueillie avec satisfaction. Il s'agit de la désignation, dimanche, d'un Président intérimaire, à savoir l'ancien diplomate Michel Kafando choisi par un collège de civils et de militaires après une nuit de discussions à Ouagadougou. Avec le rétablissement de la Constitution, une telle désignation signe normalement le retour à un pouvoir civil. Ce qui veut dire que la transition aura duré une quinzaine de jours, une durée exceptionnellement courte, quand nombre de Burkinabés craignaient un coup d'Etat militaire et le retour des militaires au pouvoir. C'est ce changement qui a été salué, principalement, par la classe politique de ce pays, convaincue que plus rien ne sera comme avant, et très normalement, elle devrait être la première à tirer les conséquences d'une action dont elle a été l'initiatrice, et qui a fini par être la sienne quand les Burkinabés s'en sont emparé. Ce 31 octobre ne marquait plus uniquement la fin d'une période, beaucoup n'ont jamais eu d'autre Président que Blaise Compaoré, mais surtout le début d'une autre ère avec l'instauration d'une véritable démocratie. Parce qu'en fin de compte, le Burkina Faso et tant d'autres Etats africains doivent passer à autre chose, ce ne pourrait être possible sans que soit réglée la question du pouvoir. Normal, quand on est dans la liste peu enviable des PMA (pays les moins avancés), un euphémisme pour désigner les plus sous-développés, alors que les Burkinabés entendent fuir ce qui n'est en aucun cas une fatalité, mais bien un échec de l'homme. Dimanche après-midi, la charte de la transition, qui doit servir de Constitution intérimaire, avait été officiellement signée par l'armée et les civils. «Aujourd'hui, nous sommes ensemble pour asseoir les bases inébranlables d'une démocratie, véritable aspiration profonde de notre peuple», avait lancé le lieutenant-colonel Zida, longuement applaudi, devant le corps diplomatique et plusieurs dignitaires africains. Reste maintenant à connaître l'agenda politique, afin que soit tournée cette page de l'histoire du pays.