L'absurde ne connaît pas de limite et le mauvais gout aussi. A Constantine, ces deux ennemis de l'espoir rivalisent d'ingéniosité pour faire triompher le kitsch à l'occasion de la manifestation qui fait de la ville deux fois millénaire, une capitale de la culture arabe. A quelques jours de l'ouverture officielle, les «grands architectes» à qui on a confié le maquillage de Constantine, s'échinent à placer les dernières touches, notamment au centre-ville. Deux éléments, ont particulièrement attiré la curiosité des constantinois, et souvent provoqué le choc. Il s'agit d'abord de la statue flambant neuve dédiée au Cheikh Abdelhamid Benbadis. La surprise qu'on a promis aux constantinois s'est révélée en vérité n'être qu'une boule disproportionnée et peu valorisante pour le personnage qu'elle est censée représenter. Pour beaucoup, y compris la famille Ben badis, c'est même une insulte et du mépris pour l'homme qui symbolise l'âge d'or de la ville. La statue en pierre (comme si le précurseur d'El Islah ne méritait pas du bronze ou un matériau noble) a été placée sur la place du 1er novembre en face du palais de la culture Med El Aïd El Khalifa. L'œuvre trop petite, représente le cheikh dans cette position célèbre empruntée à une photo d'époque du cheikh assis sur un siège, la main gauche portée au front dans un moment de méditation, et la main droite tenant un livre, un doigt glissé au milieu comme un marque-page. La version statue n'est pas réussie, ni sur le plan des proportions ni sur celui de l'expression. La pierre lapidaire et l'aspect comprimé du corps avec des chaussures énormes achèvent de réduire l'œuvre en un vulgaire tas de pierre. Le Benbadis qu'on dit avoir été réalisé au Portugal, a des yeux exorbitants, comme s'il était effaré par une autre horreur placée à quelques mètres au milieu du nouveau jet-d'eau et au-delà, de la nouvelle façade syncrétique du palais de la culture. Les «génies» de la ville ont en effet fait cadeau aux constantinois d'une babiole géante dépourvue de toute valeur esthétique et vide de sens, si ce n'est pour les initiateurs du projet. Sans surprise, l'APC, derrière ce dernier coup de griffe sur le visage du centre-ville, a fait étalage de son inculture crasse et alimenté davantage le puit sans fond de tout le bien qu'on pense de l'assemblée et son président. Si le premier ministre accepte d'inaugurer ces deux verrues jeudi prochain, nous sommes bons pour le suicide collectif !