Les réseaux sociaux utilisés par les ténors de la politique internationale pour faire tomber les barrières avec leurs électeurs et redorer leur image sont peu investis par les hommes politiques algériens qui peinent à se débarrasser d'une vision brejnévienne de la communication. Il reste néanmoins quelques exceptions… - Abdelaziz Bouteflika, tel qu'en lui-même La page officielle de la présidence de la République est bien à son image. Sur un fond doré censé représenter les armoiries du palais d'El Mouradia, on lit essentiellement les communiqués officiels. Les souhaits d'une belle et heureuse année représentent l'unique coquetterie que s'autorisent les conseillers de la présidence de la République sur les réseaux sociaux. Les pages ayant acquis l'estime des gérants de la cellule de communication de la Présidence sont, dans le désordre : Khomri Abdelkader, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports (preuve que les données ne sont pas actualisées) ; Ramtane Lamamra, actuel ministre des Affaires étrangères ; et…Elysée, présidence de la République française. - Amar Ghoul, le vétéran C'est l'un des premiers hommes politiques algériens à avoir saisi l'impact des réseaux sociaux. Sa page Facebook (suivie par près de 350 000 personnes) regorge de photos dans lesquelles il cultive l'image d'un homme de terrain, proche du peuple. Il se définit comme un «semeur d'espoir» et donne de sa personne pour séduire les internautes (et peut-être faire oublier les rumeurs faisant état de son implication dans des scandales financiers) : le voici donc souriant dans un selfie avec des jeunes de quartier, ou mouillant sa chemise dans un match de foot. Il affectionne particulièrement les photos dans lesquelles il apparaît tout sourire, entouré d'enfants ou courbé en signe de considération devant un vieux ou une vieille, symboles de la baraka» dans l'imaginaire populaire. Depuis sa nomination à la tête du ministère du Tourisme, il ne manque pas de souhaiter une bonne journée à ses admirateurs à travers des photos illustrant toute la beauté de notre pays, des chutes majestueuses de Mina à Tiaret aux plages de sable fin de Skikda, en passant par la sublime mosquée Hamza Ben el Motlib de Boussaâda. Il est l'auteur du hashtag : connais ton pays d'abord ! - Houda Iman Feraoun, la bien-aimée La page de la ministre des Télécoms se contente, le plus souvent, de reprendre ses déclarations-phares ainsi que les photos de ses déplacements et ses inspections sur le terrain. Contacté par nos soins, le service de communication du ministère de la Poste a souligné que le profil twitter et la page facebook de Houda ne sont pas officiels. La ministre elle-même a reconnu, lors d'une intervention médiatique, disposer uniquement d'un profil sous pseudonyme. Au-delà de l'usurpation d'identité, ce sont les centaines de réactions enthousiastes qu'elle génère chaque jour qui attirent l'attention. Hamid, amoureux fou de la charmante ministre, lui dédie une page sur facebook. Toute décision, chaque déplacement de celle qu'il considère comme sa dulcinée lui inspire un poème fougueux. Forcément, cela a de quoi divertir les internautes. Il est à préciser que son prédécesseur, Fatma-Zohra Derdouri, tenait une page officielle dans laquelle elle n'a pas manqué de remercier les internautes pour leur confiance immédiatement après l'annonce du remaniement ministériel. - Nouria Benghebrit, la «contre-attaque» C'est dans un arabe châtié que la ministre de l'Education nationale s'adresse à ses followers sur facebook et twitter. En pleine bourrasque autour de l'enseignement des langues, elle répond, sans langue de bois, aux préoccupations des enseignants, des élèves et de leurs parents. Au gestionnaire d'une page qui se donne pour mission «la défense des constantes nationales, elle souligne que son département se concentre sur l'aspect pédagogique et éducatifs dans le seul but de promouvoir l'école algérienne. «Nous sommes ici dans un domaine strictement éducatif, dans lequel il n'y a pas de place pour d'autres considérations. Je peux vous assurer qu'il y a des parties qui diffusent de fausses informations », est-il précisé. Elle publie sur facebook une série de titres de presse qu'elle dit dénués de tout fondement, explique sa position et répond à toutes les questions – et elles sont nombreuses- des internautes sur la darja à l'école. - Abdelmalek Sellal, une histoire de famille Sur le Net, le Premier ministre use toujours d'un ton mesuré et solennel, loin de l'image de l'homme volontiers badin et goguenard qu'on lui connaît. Son compte twitter fourmille de déclarations vantant la stabilité, la sécurité, la démocratie participative et la préservation des valeurs nationales et des acquis. Fait inédit : son épouse, Farida Sellal, fondatrice de l'association Sauver l'imzad, se met en avant, sur le célèbre réseau social facebook. Très réactive aux commentaires, elle ne cesse de proclamer son amour pour les grands espaces et son admiration devant l'humilité des hommes du désert. Pour autant, elle ne manque pas d'humour ni de caractère : « Ce matin, un fait anodin m'a fait sourire en regardant les statistiques de ma page... Merci à tous les jeunes hommes compris dans la tranche d'âge 18-34 ans, mais une question : pourquoi les femmes ne m'aiment pas? 32% de femmes contre 68% d'hommes... Ce n'est pas normal !» - Nekkaz se la joue selfie Surnommé «Makhlouf Bombardi 2.0», du nom du célèbre personnage de Carnaval fi dechra campé par l'inimitable Athmane Ariouet, Rachid Nekkaz est indéniablement un héros des réseaux sociaux, affublé, parfois dans des photos montage, d'une cape et d'un costume de superman. Chacun de ses faits, susceptible d'entraîner l'empathie des internautes, est immortalisé dans un selfie. Adepte de la «marche protestataire», en djellaba et cheveux hirsutes, il fait partager à des admirateurs toujours plus nombreux ses rencontres avec des hommes et des femmes au regard digne. Maîtrisant parfaitement les codes de la communication 2.0, Rachid Nekkaz est très réactif aux messages et aux commentaires même les plus critiques, ce qui ne manque pas de susciter l'estime de ses interlocuteurs.