C ontre-courant, le Hard Rock DZ vient de signer son acte de (re)naissance à Constantine, une ville qui a des traditions musicales dans le genre et qui recèle un public underground toujours attaché au son lourd. Pendant deux jours (7 et 8 novembre), des centaines de fans aux cheveux longs ont pu slamer leur soul devant la scène du palais de la Culture Malek Haddad. C'était à l'occasion du 213 Fest, premier du nom, et c'était renversant de plaisir. «Le 213 Fest est un événement dont la préparation dure depuis 2012, car pour convaincre les responsables et les sponsors de l'idée de faire un festival de Métal et ainsi se détacher de tout ce que nous avons l'habitude de voir, nous a pris beaucoup du temps. Cette réalisation est un rêve d'enfant pour nous !» a confié Hichem Kikaï, animateur de l'Algerian Metal Community (AMC) et l'un des organisateurs de l'événement. La réussite de ce festival est aussi l'œuvre d'un collectif de jeunes soutenus par l'association ACT de Constantine, en collaboration avec le commissariat de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe». Au programme, des groupes venus de Batna, Constantine et Tizi Ouzou, mais aussi de France. Inattendus, les Roots ont dominé tous les concerts ou presque. Numidas qui chante en chaoui, et Acyl qui introduit le diwan, il faut oser, mais même les puristes du genre ne pouvaient pas résister devant les prestations convaincantes des artistes Rockers. Traxxx de Tizi Ouzou, Fingerprint de Batna et les Français d'Arkan ont eu le même succès grâce aussi au public accueillant, à l'organisation impeccable et le bon son. Amine Benothmane, Constantinois émigré en France et leader du groupe franco-algérien Acyl, a mis le feu (au sens figuré du terme pour, explication utile, ceux qui ne tolèrent pas cette musique) dans la salle devant un public sevré de Metal depuis trop longtemps ; des jeunes qui n'ont guère hésité à faire le déplacement des quatre coins du pays pour étancher leur soif de guitares écorchées. «Nous sommes très contentes de pouvoir assister à un concert de Metal ici à Constantine, c'est une excellente initiative, ça nous a permis de voir à quoi ressemble une scène de Metal en Algérie», nous a révélé Amina, 22 ans, étudiante en psychologie. Pendant ces concerts, la maison de la Culture s'est transformée pour accueillir un public inhabituel mais sans excès (contrairement aux clichés stigmatisants répandus par des milieux conservateurs), des jeunes électrifiés aux allures originales avec des cheveux longs et des habits sombres, et tout le kit de signes distinctifs. Il y avait aussi beaucoup de jeunes filles heureuses du simple fait d'assister à un festival de hard rock, qu'elles portent le voile ou non, une communauté en paix avec elle-même, assumant les différences individuelles pour laisser place au partage et l'échange culturel. En effet, en Algérie il y a eu un boom de groupes de hard rock entre 1997 et 2003 et, depuis, nous avons assisté au tarissement de la pratique par manque de scènes justement, et ce, malgré le bon niveau des musiciens de l'époque, dont la majorité a fini par quitter le pays, cherchant ainsi d'autres horizons ! Mais après avoir failli disparaître, le Metal fait son come-back. Rym Lagred, qui a beaucoup fait au sein de l'organisation, nous confie son sentiment : «Pour une première édition, je suis très satisfaite. Ce n'était pas facile de réunir tous les métalleux algériens après une rupture de plus de dix ans. Il y a aujourd'hui de bons musiciens qui font ressortir le patrimoine algérien à travers le hard rock et ça serait dommage s'ils ne peuvent pas émerger. C'est là le défi que nous relevons !» La passion qu'ont les organisateurs pour cette musique est le moteur de la dynamique qui a généré cet événement ; un événement qui tire son nom original de l'indicatif téléphonique de l'Algérie, une manière bien distinguée pour ces jeunes de souligner leur algérianité ! Vivement la deuxième édition.