Armés d'une meule et d'un poste à souder, les diplômés de la spécialité peuvent endosser plusieurs casquettes : celles du plombier, du ferronnier, du soudeur... Au bout de 18 mois de formation, l'art de façonner et de raccorder le métal n'a plus de secret pour eux. Encadrés par M. Karoui qui, plus qu'un enseignant, est l'inventeur d'une nouvelle méthodologie d'apprentissage, les apprentis du CFPA de Réghaïa ont tout pour réussir. Les vrais tuyauteurs travaillent, aujourd'hui, en costume-cravate. Si je le savais…» Le regret émane, d'après Karaoui Tahar, professeur de tuyauterie-soudure au CFPA Réghaïa garçons, d'un ancien stagiaire qui a changé d'activité. «Mes anciens élèves travaillent tous. Grâce à la formation qu'ils ont suivie, ils peuvent activer dans diverses spécialités, comme la plomberie, la ferronnerie, la tuyauterie et la soudure. Dans un atelier, ils peuvent faire ce qu'ils veulent», soutient-il. Tuyauterie-soudure est une branche dont la finalité est de réaliser différentes formes d'interaction. C'est-à-dire les innombrables et parfois très complexes branchements de canalisations et autres tuyaux divers. Au CFPA, l'accès à cette formation est ouvert aux candidats ayant un niveau de 4e année moyenne. Au bout de 18 mois, ils sortent avec un certificat de maîtrise professionnelle (CMP). Dans l'atelier qui sert à la fois de salle de cours et de travaux pratiques, une vingtaine d'apprentis, en tablier, s'activent entre meules, étaux et postes à souder. «J'ai choisi cette formation après avoir demandé les avis de ma famille et de mes amis. Certains m'ont assuré qu'elle est très intéressante. Un voisin, en particulier, a monté son propre atelier et je vois le résultat de son affaire. Alors, je me suis inscrit sans hésiter», témoigne l'un des stagiaires dont l'âge dépasse la trentaine. «Voici un universitaire qui a interrompu son cursus pour suivre mes cours. Parfois, on forme des travailleurs et autres cadres d'entreprise qui veulent apprendre le métier», se félicite M. Karoui. «Nous avons des titulaires de licence universitaire qui ont choisi ce cursus», renchérit Ali Aïssaoui, le directeur du centre. Aux portes de la retraite, Karaoui Tahar — à propos duquel le directeur ne tarit pas d'éloges — est un passionné. Geste lent et précis, voix douce et calme, il raconte son amour de la tuyauterie-soudure à travers des supports pédagogiques qu'il a inventés de son propre chef. Les apprentis inscrits avec le niveau de 4e année moyenne éprouvent parfois du mal à assimiler toute la complexité des modules, tels que la techno, le dessin industriel ou encore le calcul, d'autant que pour réaliser une interaction complexe, il est indispensable de maîtriser la lecture des plans et la géométrie dans l'espace. Le maître a donc conçu une nouvelle approche pédagogique, facilitant la visualisation de la pièce à construire et la décomposition de ses différents éléments. «L'année dernière, j'avais beaucoup de temps libre ; en plus d'avoir réorganisé la bibliothèque du centre, j'ai réalisé quelques calques de la table des épures de Versailles», nous dit-il. Les quelques calques dont parle l'enseignant avec modestie, sont en fait 95 schémas de la centaine de pièces répertoriées dans la table référence. Il s'agit de la représentation plane de ces dizaines d'interactions de différents niveaux de complexité, dont le stagiaire reproduira quelques exemples. Et M. Karaoui ne s'arrête pas là. Grâce aux nouvelles technologies, il s'attelle à combiner deux logiciels informatiques pour remplacer les calques et faciliter la visualisation des étapes à suivre au profit des apprentis. «Il s'agit d'une méthodologie particulière que permet Autocad et, grâce à la projection par data show, le cours est plus simple», assure-t-il, en montrant l'extraordinaire apport de cette technique sur son laptop. Ainsi, une interaction de plusieurs axes est simplement et rapidement décortiquée en schémas faciles à visualiser avec les angles d'ouverture et les couleurs différenciées donc faciles à réaliser. Dans l'atelier de formation, plusieurs petites pièces métalliques — les fameuses interactions — réalisées par d'anciens stagiaires, sont disposées sur des étagères. «Voici le résultat de quelques exercices que nous réalisons», indique l'enseignant avec fierté. L'une de ses plus grandes satisfactions fut la réaction de la délégation d'un institut autrichien spécialisé dans la soudure. Selon ses dires, les visiteurs ont été impressionnés par les réalisations des stagiaires. «Les Autrichiens sont les meilleurs du monde en soudure. Ils étaient vraiment surpris de la qualité des œuvres. On leur a prouvé qu'ils n'ont que les moyens matériels de plus que nous. Les stagiaires issus de cette formation sont capables de proposer et de réaliser des solutions meilleures que celles émises par des ingénieurs», s'enorgueillit-il. Encouragé par les déclarations de son enseignant, un stagiaire rapporte l'histoire d'un ancien diplômé qui a réussi, grâce à son savoir-faire, à s'installer au Etats-Unis. «On lui a fait subir une dizaine de tests. Mais ça ne l'a pas découragé, c'est un véritable robot. Son travail était exemplaire, d'une netteté extraordinaire. Aujourd'hui, il est bien établi», dit-il d'un ton envieux. Pour les diplômés de la spécialité, les voies du travail sont grandes ouvertes. D'autant que la main-d'œuvre qualifiée se fait rare. Grâce à ce métier, qui ne nécessite en fait qu'une trousse de travail, une meule et un poste à souder, le titulaire d'un CMP peut commencer à engranger de l'argent. Surtout que cet art, inclus dans les métiers du bâtiment, est très prisé.