En l'absence de politique de rapprochement effective avec le monde du travail émanant de l'université, des entreprises et des organisations non gouvernementales se sont engouffrées opportunément dans ce désert communicationnel et semblent parfaitement combler ce gap. Lobbying ? Philanthropie ? Ou chaste élan d'émancipation de la jeunesse ? Ces questions ne semblent pas tarauder les étudiants outre mesure, au contraire, les futurs diplômés se réjouissent visiblement de ce genre d'opportunités motivatrices et prometteuses. Débarqués par bus aux ateliers par une matinée glaciale, dès 8h, des futurs ingénieurs ont eu un aperçu d'une journée de travail «à l'usine». La cinquantaine d'étudiants de Polytech, de l'Inelec et de l'USTHB semblaient toutefois ravis et même surexcités par cette «sortie découverte» et en ont profité pour assouvir leur grande curiosité scientifique au contact des ingénieurs et autre managers qui les ont aussi affablement reçus. En effet, les étudiants sélectionnés par l'association Injaz ont visité, en fin de semaine dernière, les ateliers de la société de maintenance des turbines Algersco, implantée dans la zone industrielle de Boufarik. Cette activité, intitulée «Job Shadow», consiste à faire découvrir aux futurs ingénieurs les débouchés éventuels de leurs études afin d'envisager plus concrètement leur future carrière professionnelle. L'objectif de cette action était de familiariser ces étudiants avec le domaine de la maintenance industrielle et «découvrir les différents métiers pratiqués dans ce centre qui rassemble plusieurs technologies sur un même site, dont la superficie est la plus importante des centres de services de turbomachinerie du géant américain General Electric déployés dans le monde», indique Bahi Bellatache, directeur général d'Algersco, une joint-venture de GE avec Sonalgaz et Sonatrach. Un atelier nommé «Shop» L'atmosphère plus ou moins joyeuse n'entame en rien la rigueur et le formalisme de l'organisation du travail «à l'américaine». Strict respect du «timing» et langue anglaise — american standard — sont de mise. Munis d'équipements de sécurité, les visiteurs sont dispatché en petits groupes encadrés par des «coachs», les ingénieurs et managers d'Algesco. Les «students» entament «the tour» entendre la visite du «shop», un anglicisme consacré dans le jargon des turbo-machineries pour désigner l'atelier. L'installation est en effet impressionnante. La chaîne de maintenance s'étale sur une superficie de plus de 18 000 m2, ce qui constitue «le plus important centre de maintenance de GE Oil & Gas dans le monde», insistent à rappeler les communicants de la firme. Cela n'a rien d'étonnant si l'on considère la très importante flotte de turbomachines nationale : générateurs d'électricité, pompes, compresseurs, soufflantes et autres ventilos des industries électriques ou des hydrocarbures… Ainsi, les étudiants déjà familiarisés avec les petits rotors et autres modestes moteurs, ont été visiblement impressionnés par le gigantisme des mastodontes industriels. Entre notions de dynamique des fluides et de thermomécanique, les ingénieurs d'Algesco ont vulgarisé à leurs cadets les technologies intégrées dans ce site : soudage laser assisté par ordinateur, pulvérisation de microbilles, entre autres équipementx de pointe qui ont suscité la passion les étudiants envers leur domaine de prédilection. Un bref passage au centre d'apprentissage intensif de langue anglaise au profit du personnel d'Algesco, implanté sur le site, fait passer les étudiants dans la «no speaking but english zone», injonction de pédagogie plus ou moins agressive inscrite à l'entrée des classes. Les étudiants ont appris, un peu amusés, qu'une fois à l'interieur de cet espace d'«apartheid linguistique», toute personne qui prononce par inadvertence un mot en arabe ou en francais est sanctionnée en payant une somme symbolique et est sommée d'inscrire la traduction et la définition du mot en anglais sur le «board» en guise de punition «à la Bart Simson». Larguer des omelettes sans casser d'œufs Après la visite guidée du site, les étudiants ont été invités à mettre en pratique leurs connaissances scientifiques en participant à un miniconcours d'ingineering. En présence de Leen Jabeer Abdel, directrice d'Injaz El Djazaïr et ancienne collaboratrice de l'USaid (agence gouvernementale américaine de développement économique et d'assistance humanitaire dans le monde), les futurs ingénieurs ont été confrontés au défi de réaliser un dispositif de largage aérien d'aide humanitaire dans une zone d'instabilité où sévit la famine. Le but du «game», intitulé «eggs delivery», est de faire appel aux connaissances des concepts théoriques de la physique, notamment les notions de la gravité, d'accélération, de transfert des forces, d'énergie cinétique et autres vecteurs de vélocité. Des œufs ont été distribués aux étudiants pour représenter les produits fragiles ou un éventuel ravitaillement militaire sensible dans une zone de guerre, comme expliqué par les concepteurs du jeu. En utilisant de modeste ressources mises à leur disposition : sac poubelle, paille, feuille d'aluminium et papier, les étudiants répartis en groupes doivent travailler selon l'approche multidisciplinaire que les ingénieurs appliquent dans la conception de nouveaux dispositifs, tout en étant sous les impératifs du URWD (unpredictable real world design – ingéniérie dépendant d'astreintes imprédictibles). Brain strorming, calculs, schémas griffonnés à la va-vite… et 45 minutes plus tard, les jeunes futurs ingénieurs dévoilent leurs petites inventions : parachute, engin multipod muni de pailles en plastique en guise de pieds pour amortir l'impact et autres dispositifs de largage aérien ont été fièrement présentés, dans un anglais «scolaire» certes, mais ponctué de pointes d'humour «à l'américaine». Le groupe gagnant a eu l'élémentaire idée de livrer ses victuailles entre deux coussins d'air : deux «trush-bag» (sacs poubelle) gonflés. L'ingéniosité ne s'encombre pas de préjugés ! Isn't it ?