Si elle porte un azerrar au front c'est qu'elle est mariée, ikhelkhalen qu'elle est fière de ses enfants, avzim dit qu'elle est disponible pour le mariage… Tout bijou d'argent, en Kabylie, a sa signification. Sans même parler, les bijoux expliquent la situation sociale. Si aujourd'hui, la nouvelle génération n'y croit pas trop, celle d'avant y tient encore. Taassabt. Est une sorte de diadème en argent, orné de différents dessins de plantes, boules d'argent et de corail. Selon les artisans bijoutiers, chaque couleur utilisée dans l'ornement des bijoux kabyles a une signification. Pour eux, le bleu renvoie au ciel, le jaune au soleil, le vert à la nature et la verdure, quand au corail, inséré généralement en petites boules au milieu de chaque pièce constituant le bijou, il est censé représenter le feu sacré. Si on porte ce bijou, cela dit qu'on est mariée. Taassabt est lié directement à la situation conjugale de la femme. Selon la chercheure Aïcha Hanafi, «dans le temps des guerres anciennes entre tribus, les familles kabyles protégeaient leurs filles mariées en leur mettant ce bijou de façon ostensible sur leur front». Expliquant que «le message de l'engagement et du mariage est renvoyé quand la femme porte taassabt entre sa famille et ses proches, cependant, quand ce bijou est porté en dehors du village ou des rassemblements familiaux, le diadème kabyle est censé demander la protection et le refuge des récepteurs». Azrer. Azrer ou jbin est un collier composé de plusieurs pièces rattachées par de petits cerceaux d'argent. Chaque détail de ce bijou est orné de dessins colorés, des boules d'argent et de corail, avec des petits pendentifs. Azrer est porté de deux manières et renvoie des messages différents. «Quand la femme porte le jbin comme un diadème sur son front, cela veut dire qu'elle est mariée. Par ailleurs, dès l'âge de la puberté, la jeune fille porte ce bijou en collier pour faire comprendre aux autres qu'elle a l'âge du mariage et qu'elle n'est pas encore engagée», précise Aïcha Hanafi. Ajoutant que le message véhiculé dans le premier cas est de ne pas approcher la femme et ne pas lui parler afin de ne pas la déranger ou lui causer des problèmes avec son mari. Dans la deuxième situation, les jeunes hommes du village désirant épouser la jeune fille ont le feu vert pour concourir et essayer de l'avoir. Avzim et taharavt. Cette grande fibule décorée d'émaux de couleur est la pièce maitresse des bijoux kabyles. Elle est fixée généralement sur le front ou sur la poitrine et porte plusieurs messages et significations dépendant de son type et de sa taille. «A l'âge du mariage, la jeune fille fixe tavzimt sur le côté droit de la poitrine, envoyant le message de sa disponibilité pour l'engagement. Une fois cette dernière fiancée, le bijou est porté sur le côté gauche, afin de ne pas l'aborder, pour que les jeunes hommes du village évitent de lui parler», explique Aïcha Hanafi. Elle ajoute que le port de ce bijou sur le côté gauche par la femme mariée signifie aussi que cette dernière a accouché d'un garçon. «Cette façon de porter tavzimt accompagne la maman dans toutes les étapes de la vie de son fils, dont la fête de sa circoncision, ses fiançailles et son mariage», continue-t-elle. Dans le cas où la maman accouche d'une fille, tavzimt est portée sur le côté droit et elle lui change de place si elle accouche d'un garçon après. Par ailleurs, il est connu que tavzimt sert à protéger sa porteuse du mauvais œil ou de la sorcellerie, en particulier en ce qui concerne la mariée ; on met tavzimt dans le bassin de sa douche et dans son henné. La broche triangulaire, appelée taharavt, on la fait aussi porter au nouveau-né pour le protéger du mauvais œil.
Thimengouchine ou tigoudhmatin. Il existe plusieurs types et modèles. Les boucles d'oreille cachent plusieurs messages et ont différentes significations. Dès son jeune âge, la fillette kabyle porte un certain modèle de boucles jusqu'à sa puberté, où elle les remplace par un autre modèle qui signifie qu'elle est prête pour le mariage et pour avoir des enfants. La femme d'âge avancé et toujours pas mariée porte des boucles d'oreille différentes, dans le but de ne plus démontrer sa beauté et faire passer le message qu'elle a atteint la ménopause et qu'elle ne peut plus avoir d'enfant.
Azrer n'eskhab. «Ce collier est réservé à la femme mariée, elle ne le porte que devant son mari et le cache précieusement en son absence. Dans le temps passé, la femme ne pouvait même pas parler de son collier devant les autres hommes et le faire était considéré comme un manque de respect de d'éducation», raconte notre chercheure. Aïcha Hanafi ajoute que ce collier, fabriqué à base d'argent et d'une pâte parfumée, est destiné à «provoquer le désir de la femme chez son mari, c'est pour cela qu'il est interdit aux jeunes filles de l'approcher… Cette pâte parfumée est préparée par une femme d'expérience, quelques jours avant le mariage et asperge le lit du jeune couple avec une eau parfumée de grains de la même pâte». Il est à noter que azrer n'eskhab est porté par la femme enceinte qui craint de perdre se bébé, pour arrêter l'hémorragie après l'accouchement ou pour éloigner les mauvais esprits. Ikhelkhalen. Cette sorte de bracelet qui se porte autour des chevilles recèle plusieurs messages. Tout dépend de la femme qui le porte. Pour Aïcha Hanafi, certaines les portent pour annoncer leur mariage, d'autres pour montrer leur fierté de leurs enfants. «Quand la femme mariée enlève taassabt et tavzimt, elle doit mettre ikhelkhalen à ses chevilles pour montrer qu'elle n'est plus célibataire. Dans les temps anciens, quand un homme occupait une fonction importante au sein du village, sa mère portait ikhelkhalen pour démontrer sa fierté.» En ce qui concerne les femmes âgées, la plupart d'entre elles portent ikhelkhalen quand elles deviennent grand-mère. Les légendes affirment que la personne qui porte ikhelkhalen est protégée du mauvais œil, des maladies et des problèmes. Ce bijou servait aussi à faire un bruit qui informe les hommes que des femmes arrivent pour dégager le passage.