Les passagers de la compagnie Air Algérie ont été surpris, hier, par les nombreux retards des vols à Alger et dans de plusieurs aéroports du pays en raison d'un débrayage des personnels navigant et au sol, sans préavis. A l'origine, des appels lancés la veille, clandestinement, par le syndicat d'entreprise, affilié à l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta), dénoncé par le syndicat des pilotes et celui de la maintenance. Depuis le réquisitoire du ministre des Transports, Boudjema Talai, contre la gestion de l'ex-directeur général, Abdou Bouderbala, qualifiée de catastrophique, en parlant «de recrutement suspicieux de techniciens non qualifiés, d'incapacité à organiser des vols, voire de ‘‘khourda'' (déchet)», le syndicat d'entreprise affilié à l'Ugta n'a pas cessé d'exprimer sa colère. Dans un premier communiqué signé par son secrétaire général, Saïd Tiaouinine, il a qualifié les propos du ministre de «campagne de dénigrement en règle contre Air Algérie» et rappelle que «ces attaques endogènes et exogènes à la compagnie ne sont nullement justifiées ni opportunes». Le même syndicat est revenu à la charge juste après les déclarations du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en marge de la tripartite à Annaba, faisant état d'«une pléthore» de personnel à Air Algérie, qui emploie 9500 personnes, alors qu'elle n'en a besoin que de 3500. En fait, le Premier ministre n'a fait que confirmer la volonté du gouvernement de mener la compagnie vers un plan de restructuration, confié à son nouveau responsable par intérim, l'ancien pilote de ligne Bekhouche Alleche. Ce dernier a d'ailleurs considéré sa nomination comme «un défi» et promis de «procéder à un diagnostic touchant les niveaux technique et organisationnel». Lors de son installation, il avait déclaré que «les responsables qui ont failli à leur mission seront remplacés en fonction de l'état des lieux qui sera fait (…). J'ai en tête mon plan et ma vision pour développer la compagnie et je ferai tout pour redorer son blason. Une fois qu'on aura évalué le plan 2013-2017, nous corrigerons les lacunes pour redéfinir les priorités de l'entreprise.» De nouveaux responsables sont nommés à la tête de la direction des opérations et celle des ressources humaines, postes qui ont de tout temps suscité les convoitises et les appétits. Ces changements ont fait réagir le syndicat d'entreprise qui, dans un communiqué, a dénoncé une «campagne de dénigrement en règle» contre l'entreprise, précisant : «Encourager l'instabilité aurait pour seule conséquence de précipiter le pavillon national dans l'incertitude et l'aventure», et de ce fait il s'est «totalement démarqué de cette démarche négative et suicidaire». Mardi, de nombreux cadres syndicaux de la compagnie ont été destinataires de courriers électroniques annonçant un débrayage pour la journée d'hier, mais l'action n'a pas fait l'unanimité. Deux syndicats, le Syndicat des pilotes de ligne algériens (Spla) et le Syndicat national des techniciens de la maintenance avions (Sntma) ont signé un communiqué commun dans lequel ils nient avoir pris part à la grève qui, selon eux, a provoqué «des perturbations mineures». Ils ont condamné «ces pratiques d'un autre âge» en précisant que «rien ne peut justifier un tel mouvement décidé suite à des changements à la tête des directions au sein de la compagnie». Ils s'interrogent sur «le but recherché» et concluent en «réitérant» leur «engagement pour le bon fonctionnement de la compagnie». Contacté, Karim Seghouane, président du SPLA, a déclaré : «Notre domaine est régi par une réglementation rigoureuse. Il suffit de la respecter. Nous n'avons jamais cessé de soulever les problèmes à l'interne. Un nouveau directeur général a été installé, nous en avons pris acte. Il y a des changements qui s'opèrent. Nous pensons que ce nouveau plan est un passage obligé. Ceux qui ont failli à leurs missions doivent être écartés.» Pour M. Seghouane, «la compagnie n'est pas une propriété privée. Elle appartient à tous les Algériens. Le syndicat d'entreprise dit qu'elle se porte bien, mais je ne pense pas que cet avis soit partagé par les passagers. En quoi le nouveau plan de restructuration peut-il gêner ? Nous refusons que la compagnie soit l'otage de règlements de comptes». C'est pour toutes ces raisons, selon M. Seghouane, que le syndicat qu'il préside n'a pas pris part au débrayage. «Pour nous, il est important que chaque syndicat protège le métier qu'il représente», dit-il. Abondant dans le même sens, Ahmed Boutoumi, président du Sntma, affirme que «le débrayage a causé une perturbation sur les lignes intérieures et des retards, mais tout est rentré dans l'ordre en début d'après-midi. Cette grève est anarchique. La majorité du personnel n'a pas suivi. Dans quel but une telle grève ? Personne ne connaît la réponse. Est-ce à cause des changements décidés à la tête des directions de la compagnie ? De telles actions ne peuvent résoudre les problèmes. Elles portent atteinte à l'image de la compagnie.» Visiblement, la compagnie, qui exerce dans un domaine où la concurrence est rude, où l'erreur n'est pas permise et elle peut même être fatale, traverse depuis plusieurs mois une épreuve difficile à laquelle l'autorité n'est pas étrangère étant donné qu'au lieu de trouver des solutions à la crise, elle n'a fait qu'aggraver la situation, en brossant un tableau noir de sa gestion.