La polémique sur la présence des femmes dans les espaces publics se pose encore une fois avec acuité, notamment en ce qui concerne leur accès aux plages et la manière dont elles se baignent. Si de par le passé la femme a eu à gérer le conservatisme de sa famille, en 2017, elle fait face à une campagne virtuelle (campagne anti-bikini) visant à la priver de son droit de se divertir. Si la plupart des analystes s'accordent sur le fait que la société algérienne est plus que jamais islamisée, il n'en demeure pas moins que des initiatives individuelles, à l'instar de Marina Palm (une plage dédiée exclusivement aux femmes et visant à la faire sortir du carcan dans lequel l'ont mise les islamistes), commencent à s'installer. Mais dans l'isolement de ces femmes, qui doivent se retirer du monde mixte pour retrouver la tranquillité. C'est sur la côte est d'Alger que ces femmes peuvent se détendre, profiter du soleil, se bronzer et se rafraichir en ces temps de chaleur. Autrement dit se baigner «tranquillement» comme elles l'expriment à chaque fois qu'une question leur est posée sur leur choix de cette plage. Cette dernière s'appelle Marina Palm, elle est dédiée exclusivement aux femmes. Cela fait quatre ans déjà que cet espace a été ouvert pour accueillir uniquement la gent féminine afin de lui offrir le confort qu'elle n'a pas trouvé sur d'autres plages. C'est une plage privée, certes, mais le tarif d'accès est symbolique (1000DA) vu les commodités mises à la disposition des estivantes. Ces dernières viennent des quatre coins du pays et de toutes les couches sociales. «Même les femmes des ambassadeurs et des hauts fonctionnaires de l'Etat viennent se baigner ici», se flatte Réda Bourayou, propriétaire de Marina Palm, située dans la localité de Bordj El Bahri. Cet émigré aux Emirats arabes unis a pensé à un moyen pour rendre hommage aux femmes algériennes qui, d'après lui, «en dépit de toutes contraintes, tiennent toujours le coup». Il n'a pas trouvé mieux que de leur offrir un espace pour se rencontrer et se détendre. Un espace qu'elles n'arrivent toujours pas à se permettre dans d'autres lieux publics. Cet espace, M. Bourayou l'a baptisé Marina Club. C'est un club pour femmes, qui commence depuis quelques années seulement à avoir une réputation. «Nous avons réussi à faire venir ici même les Allemandes, qui sont reparties très contentes de la qualité du service qui leur a été offert», confie fièrement le propriétaire de Marina Club. «Nous n'avons rien donné à nos mamans et nos femmes», regrette M. Bourayou, qui après avoir perdu sa mère à La Mecque a commencé «à penser à quelque chose qui puisse faire sortir les femmes de quatre murs». «La mort de ma mère m'a complètement déstabilisé. C'est à ce moment que j'ai décidé de faire un projet dédié aux femmes algériennes», raconte l'ancien industriel des conserveries et de la chocolaterie. Et d'enchaîner : «La femme est coquette, mais elle sort peu pour profiter de la vie. Elle est constamment humiliée dans la rue et même à la maison. Alors je me suis dis que je vais la faire sortir de cette situation.» Ce dernier a-t-il réussi à faire sortir les femmes du carcan qui leur a été construit? De nombreuses femmes ayant choisi Marina Plage avouent qu'en dehors de cette plage, elles ne pourront jamais se baigner en maillot, elles sont nombreuses d'ailleurs à se baigner en bikini sur cette plage privée, une tradition qui a disparu des plages algériennes remplacée petit à petit par des shorts et des débardeurs et dans certains cas on trouve des femmes se baigner en hidjab. C'est à Marina Palm que la plage trouve son plein sens, où la femme retrouve tout son charme. «Je porte le voile, je ne peux pas me baigner dans une autre plage avec un maillot», témoigne une jeune fille accompagnée de sa copine qui se pavane en maillot de bain entre la piscine et la plage. Faut-il rappeler que cette plage sous forme d'un palmier est constituée de quatre bassins, le moins profond est réservés aux enfants. Sur les allées de ce des espaces, des fast-foods ont été ouverts. Ce sont les femmes qui assurent le service y compris la surveillance des plages. "Je leur donne un espace, des équipements et un pourcentage du bénéfice, car je sais que si je leur loue cet endroit aucune ne pourra s'acquitter du loyer", explique Reda Bourayou, qui cherche à mettre un espace à la disposition d'une femme qui fabrique des glaces. A l'intérieur de cet espace, les femmes rencontrées sont unanimes : «Ici, on est tranquilles.» Cette tranquillité ne provient pas seulement du fait qu'elles soient loin des regards désobligeants des baigneurs, mais aussi par rapport à un époux rigide. "Mon mari est très nerveux. Il se bagarre tout le temps dans les plages surtout lorsqu'il voit quelqu'un nager à coté de sa fille. Lorsqu'on est venus ici, il m'a appelée pour s'assurer que c'est une plage pour femmes", explique une dame accompagnée de sa fille venues de Bab Ezzouar. Cette femme explique qu'en raison des attitudes de son mari, elle ne fréquentait pas les plages mouvementées. «On part jusqu'à Cap Djinet (Boumerdès) pour trouver une plage plus ou moins calme», souligne-t-elle. Tout en acceptant de nous parler, cette dame jette un coup d'œil par-ci par-là pour s'assurer qu'il n' y a pas de caméra. "J'ai peur qu'on me filme. Si je passe à la télé ça sera ma dernière sortie à la plage".